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Pour employer une terminologie gouvernementale très à la mode, on constate que les Etats-Unis d’Amérique accélèrent la cadence dans le déroulement de leur Plan pour une paix rapidement restaurée dans le Sud du Sénégal. Le très spécial ambassadeur Mark Bouleware – accrédité auprès de Macky Sall et des maquisards du Mfdc – vient de boucler une visite au pas de charge à Ziguinchor et au Nord de la Guinée-Bissau. Deux étapes et deux baromètres qui permettent de prendre la température exacte puis de tirer les premières conclusions d’un déplacement déterminant pour le destin de cette province. Et pour les desseins de l’Amérique en Casamance.
Arrivé le mercredi 5 mars à Ziguinchor, l’officiel américain s’est rendu à Mangokouro, siège du Mfdc urbain, situé dans la périphérie de la ville (une sorte de micro enclave libérée) où il a été chaleureusement accueilli par des dizaines et des dizaines de sympathisants de la rébellion coachés par Louis Teng, le seul survivant parmi les pionniers de la lutte armée (aux côtés de Sidy Badji) ayant fait le coup de feu, dès le mois de décembre 1982. Le surlendemain, vendredi 7 mars, l’ambassadeur Mark Bouleware a quitté son hôtel, avant 10 heures, et mis le cap sur Sao Domingo, préfecture septentrionale de la Guinée Bissau, où il a eu son premier contact avec César Atoute Badiatte, chef de la branche militairement dominante du Mfdc. Pour cette première expédition en profondeur, son Excellence Bouleware a bénéficié de l’aide de Robert Sagna ex-maire de Ziguinchor et de la collaboration du CICR, en la personne de son représentant local, un certain Monsieur Thierry.
En provenance de son PC de Kassolol, le chef de guerre César Atoute est arrivé sur les lieux de la prise de contact, en compagnie de onze combattants (escorte et conseillers additionnés) pour faire face à l’émissaire d’Obama. La Guinée Bissau très soucieuse de sa souverainté est représentée à ces discussions qu’elle abrite, par deux agents des services secrets guinéens. Une vigilance bissau-guinéenne qui s’explique d’une part, par l’absence du Préfet de Sao Domingo en voyage à Lisbonne ; et d’autre part, par la méfiance maladive de l’appareil militaire – coiffé par le Général Antonio Njaye – vis-à-vis des Américains, depuis la capture de l’Amiral Americo Gomez alias Bubo Nachutcho. C’est là un indice déjà révélateur des auspices sous lesquels les entretiens américano-Mfdc se sont déroulés sur le sol d’un Etat dont la caste militaire n’est pas en odeur de sainteté auprès de Washington.
Qu’à cela ne tienne : les échanges ont été larges et profonds entre le diplomate chevronné Mark Bouleware et le rigide rebelle César Atoute. Au regard du menu de la palabre, on peut retenir un résultat en demi-teinte, synonyme de demi-succès. En effet, il y a plusieurs « oui » et un grand « non ». Le chef maquisard a donné son feu vert pour une poursuite et un élargissement du champ de déminage ; notamment autour des carrières de latérite dont l’exploitation facilitera la construction des routes (secondaires) dérivées de la Route Nationale numéro 6 (RN6) appelée communément : la route du Sud. César Atoute Badiatte a dit également « oui » au statu quo, c’est-à-dire à cette accalmie (ni paix ni guerre) qui rime avec zéro accrochage et/ou zéro combat entre l’armée et le maquis. En revanche, c’est un « non » catégorique qu’il a opposé à l’Américain qui envisage la réhabilitation des bretelles qui se détachent de la RN6 et s’enfoncent vers la frontière avec la Guinée Bissau.
Ce point d’achoppement est d’autant plus sérieux que ces routes cristallisent l’intérêt des Etats-Unis qui ont dégagé une enveloppe de 14 millions de dollars (plus de 7 milliards CFA) pour ce volet précis de leurs investissements massivement prévus en Casamance. De son côté, le chef rebelle mesure l’importance stratégique de ses voies qui débouchent sur ses cantonnements. Aux yeux de César Atoute, ces routes constituent de parfaits axes de pénétration pour les unités motorisées de l’armée sénégalaise. D’où son refus tempéré par une condition de taille, à savoir le démantèlement des positions de l’armée nationale dans tous les secteurs que désenclaveront les bretelles dont la réhabilitation est financée non pas par l’US AID ou le MCA ; mais curieusement par le ministère américain de l’Agriculture.
Ce demi-succès obtenu à Sao Domingo est le pendant d’un autre succès (mitigé) enregistré à Rome, en février dernier, sous l’égide de Sant’Egidio sponsorisé diplomatiquement voire financièrement par les USA. Car l’inévitable Mark Bouleware avait traversé la Méditerranée au moment où les négociateurs de Salif Sadio (l’autre chef rebelle) étaient les hôtes de Mauro Garofalo, le patron du département Afrique de Sant’Egidio. Preuve que l’Amérique met les bouchées doubles en Casamance. Et, surtout, accentue la pression sur tous les fragments du maquis. Une sollicitude hérissée d’interrogations relatives aux desseins véritables de l’Amérique en Casamance. L’argument du terrorisme rampant sur un terreau fertile étant vraiment sommaire et réellement sot, au regard de l’Histoire tumultueuse de cette province qui est labourée par un irrédentisme farouche (la révolte d’Efok en 1941-43 et l’assaut contre le gouvernorat de Ziguinchor en 1982) bien antérieur à l’épopée du FIS en Algérie et aux attentats contre les deux tours jumelles de New-York, en septembre 2001.
Pour l’instant, les rapports de force au sein du Mfdc – et par ricochet sur le terrain – sont immédiatement plus perceptibles et plus précieux à cerner que les opaques desseins des Etats-Unis. Sur le théâtre des opérations, un basculement s’est lentement mais irréversiblement produit. Aujourd’hui, César Atoute Badiatte a plus de bonnes cartes en main que son rival Salif Sadio. Chef incontesté du Front Sud, César a réussi le tour de force d’établir une constellation de cantonnements dans le département de Bignona. Donc au Nord. Par exemple, la base de Diakaye est commandée par son poulain Paul Aloukassi. Récemment, il (César Atoute) a créé – suprême audace – un cantonnement à Blok (village abandonné) situé à 300 mètres du PC de la place forte de Sadio. La proximité du territoire gambien et la ligne brisée de la frontière sont telles que les rebelles de César se ravitaillent en Gambie dont le régime est suffisamment policier pour bien surveiller pareils mouvements et ravitaillements. En clair, Salif Sadio est militairement surclassé par César Atoute. Et politiquement dévalué ; parce que blâmé voire excommunié par le Mfdc-Europe qui – dans un document diffusé sur son site – le considère comme : « un gourou qui va végéter dans la minorité politique et sombrer dans l’affaissement militaire ».
Impossible de décrypter le dossier casamançais et d’évaluer les chances de paix sans jauger l’attitude du Président Yaya Jammeh qui est l’énigmatique voisin. A ce titre, il est aussi l’autre acteur ou franc-tireur de la crise casamançaise. Dans la présente conjoncture, il va sans dire que l’ambassadeur Mark Bouleware et tous les spécialistes épient les faits et les gestes du maitre de Banjul. Chez Yaya Jammeh, la netteté du discours et l’ambigüité du comportement font bon ménage. Le chef de l’Etat gambien est, à la fois, hostile à l‘endroit de Sant’Egidio, tolérant vis-à-vis de Salif Sadio et verbalement amical à l’égard du Sénégal. Un jeu délibérément compliqué qui lui permet – un double avantage – de restreindre la marge de manœuvre de Salif et de surveiller cette intrusion américaine manifestement bénie par les autorités sénégalaises. Bref, la partie de poker a débuté. Mais, la pax americana sera-t-elle vite au rendez-vous ?
La réponse est tributaire des cartes que l’Américain Mark Bouleware va abattre. A-t-il une recette face à la Casamance qui est le cimetière de moult accords de paix et de rounds de négociations ? Les accords de Toubacouta (29 mars 1991) ceux de Cacheu (17 avril 1992) les fameux conclaves de Banjul (1998-1999) et la tentative de rencontre à Paris entre le Général de gendarmerie Abdoulaye Fall et Nkrumah Sané, en 2004, illustrent le degré d’empierrement du casse-tête casamançais qui ne décourage guère son Excellence Mark Bouleware. A-t- il versé une dîme – sur les 14 millions de dollars – dans l’escarcelle de César Atoute pour acheter ce demi-succès autour du déminage ? L’avenir dévoilera la botte secrète du « Monsieur Casamance » de Washington.
Une semaine après le passage de Mark Bouleware, le Président Macky Sall entamera (le 17 mars prochain) une visite dans la région de Ziguinchor. Occasion idéale pour décliner les desseins du gouvernement en Casamance, au moment où d’autres desseins (ceux qu’on prête à l’Amérique) ainsi que des incertitudes voisines (la présidentielle d’avril 2014 à Bissau) s’agrègent et rendent davantage illisible le destin de cette province esquintée.
SOURCE : http://www.dakaractu.com/Laser-du-lundi-L-Amerique-deroule-son-Plan-de-paix-en-Casamance-Par-Babacar-Justin-Ndiaye_a61618.html