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Le nord du Mali reste menacé par l’insécurité et l’instabilité politique, analyse Mathieu Pellerin, spécialiste du Sahel, neuf mois après l’opération Serval, l’intervention militaire franco-africaine.
Neuf mois après le début de l’intervention militaire franco-africaine, le nord du Mali reste menacé par l’insécurité et l’instabilité politique: attentats djihadistes, tensions entre les autorités et les groupes armés touareg, difficultés de retour pour les réfugiés… Spécialiste du Sahel et directeur de la société Cisca (Centre d’intelligence stratégique sur le continent africain), Mathieu Pellerin livre son analyse de la situation.
Des groupes djihadistes ont perpétré plusieurs attaques terroristes au nord du Mali ces dernières semaines. Quel danger représentent-ils?
La menace a considérablement diminué, mais la région doit faire face à un terrorisme résiduel. L’opération Serval a anéanti ou démantelé la plupart des unités djihadistes. D’autres ont fui, notamment vers le sud de la Libye. Cependant, certaines cellules ont réussi à survivre, depuis le mois de janvier, en se terrant dans des zones reculées.
Par exemple, au nord de Tombouctou, pour des groupes liés à Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) ou dans la région de Ménaka, pour des combattants du Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest (Mujao). Les islamistes armés peuvent y profiter de complicités locales, parfois de liens familiaux ou tribaux, pour se ravitailler et se cacher. Ils tentent de se fondre au sein de la population et de se faire oublier, tout en essayant de se réorganiser. Ils profitent aussi de la présence d’autres groupes armés dans le nord: les djihadistes peuvent arborer le drapeau du Mouvement national de libération de l’Azawad (rebelles touareg) sur leur véhicule pour circuler plus librement dans la région de Kidal.
Du coup, la présence de ces groupes armés complexifie la lutte antiterroriste. Avec les effectifs actuellement déployés, il est impossible de contrôler la totalité de l’immensité désertique du grand nord malien. Or, tout relâchement ou allègement du dispositif militaire français et de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (Minusma) peut donner l’occasion aux djihadistes de frapper pour montrer qu’ils sont toujours présents…
Dans la région de Kidal, la tension reste vive entre les militaires maliens et les groupes armés touareg et arabe. Les négociations sur le futur statut administratif des régions du nord semblent bloquées…
Au mois de juin, un accord préliminaire a été signé par le gouvernement malien de transition et les groupes armés, touareg et arabe. Cet accord prévoit, entre autres, l’ouverture de négociations sur l’avenir du nord. Mais la donne politique a changé entretemps, en premier lieu parce qu’Ibrahim Boubacar Keïta, le nouveau président élu, ne se sent pas lié à des accords conclus par un président de transition. Il se montre très ferme vis-à-vis des revendications des mouvements touareg: hors de question de toucher à l’intégrité territoriale du Mali, pas d’autonomie régionale, ni de statut particulier. Au mieux, une décentralisation accrue.
Du coup, le MNLA, le Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (ex-Ansar Dine, mouvement islamiste allié à Aqmi) et le Mouvement arabe de l’Azawad (MAA) se braquent. Mais leur unité de façade cache de sérieuses divergences. Le MNLA [qui avait déclenché la rébellion en janvier 2012, puis proclamé l'indépendance du nord, avant d'y renoncer] est divisé en plusieurs courants, dont deux principaux. Le premier campe sur une revendication autonomiste, le second est plus enclin à négocier rapidement avec Bamako. Le MNLA incarne aujourd’hui un label de défense de la « cause touarègue », mais beaucoup de ses dirigeants sont discrédités. De son côté, le HCUA tente de gommer sa coloration islamiste, héritée d’Ansar Dine puis du MIA, pour regagner en respectabilité et se placer dans le cycle des négociations.
Les autorités maliennes ont tout intérêt à tester la cohésion interne de ces groupes, à appuyer sur les fractures existantes en leur sein afin de les fragiliser et de rester en position de force dans le cadre des négociations.
L’insécurité et la confusion qui règnent au nord du Mali empêchent par ailleurs le retour d’environ 170 000 réfugiés qui ont fui la région dès le début de la crise…
Ces populations hésitent à revenir tant qu’on ne leur offre pas des garanties de sécurité satisfaisantes pour se réinstaller. En attendant, elles vivent de manière très précaire dans des camps de réfugiés ou aux abords des frontières avec les pays voisins (Mauritanie, Algérie, Niger, Burkina Faso). Plus le temps passe et plus elles auront de difficultés pour se réintégrer. La Minusma, qui favorise l’acheminement de l’aide humanitaire, pourrait contribuer à accélérer leur retour. En dehors du drame humain, ces dizaines de milliers de réfugiés vont poser un problème politique. Les élections législatives sont prévues les 24 novembre et 15 décembre prochains. En l’absence d’une part importante des votants, quelle légitimité auront les députés élus au nord du pays?
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http://www.maliweb.net/news/insecurite/2013/10/18/article,175157.html