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Jeu, Nov
lundi, 29 décembre 2014 00:00

Laser du lundi : L’accalmie cache les micmacs en Casamance (Par Babacar Justin Ndiaye)

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Les dernières heures de décembre 2014 – trente-deuxième anniversaire de l’ouverture des hostilités en Casamance – vont-elles hâter le crépuscule de la crise et, par incidence, précipiter l’aube d’une paix définitive en 2015 ? Voilà une interrogation qui renferme un vœu ardent, profond et partagé. Un vif souhait qui se délite, malheureusement, au vu et au contact d’une conjoncture calme en trompe-l’œil, mais viciée par des grenouillages et des micmacs tous azimuts.  

 


En effet, la paix en Casamance n’a pas que des amis et des artisans. Elle a aussi ses aventuriers, ses charlatans, ses bailleurs (de fonds), ses bricoleurs et ses magiciens etc. Toute une faune d’acteurs aux desseins non dessinés. Donc illisibles. Et, surtout, ruineux pour la feuille de route gouvernementale. Parmi ces intermédiaires atypiques et hors-normes, on identifie le Centre pour le Dialogue Humanitaire (Mediation for Peace) basé au 74 Riverside Drive à Nairobi, au Kenya. En abrégé, le « HD » établi dans la capitale kényane, qui n’est rien d’autre que l’antenne africaine du « HD » de Genève, c’est-à-dire la maison-mère située en Suisse.

Actif dans le dossier casamançais, depuis 2013, le « HD » brille par son profil ambigu (ONG ou Institution ?) et sa posture concurrente vis-à-vis de l’autre champion de l’intermédiation, à savoir la communauté près le Vatican de Sant‘Egidio. Représenté au Sénégal par le Comorien Saïd Abass Ahamed, le « HD » a des liaisons très étroites – protocole, partenariat ou contrat ? – avec le COS qui, par le biais des réformes sécuritaires en rafales initiées par le Président Macky Sall, est maintenant dilué dans la Délégation Générale au Renseignement National (DGRN) coiffée par l’Amiral Farba Sarr. Derrière le « HD » se profile la silhouette de l’Union Européenne (UE) qui a décaissé 3 millions d’euros, autour de 2 milliards CFA, pour restaurer la paix en Casamance. Conséquence : le Comorien de Dunkerque (il est français et comorien) est le plus riche, le plus envié et le plus couru des faiseurs de paix dans le Sud du Sénégal.    

Paradoxalement, Abass Saïd Ahamed n’est pas un « casamançologue ». Loin s’en faut. Ma conversation-marathon avec lui dans un hôtel de la place (il était armé d’un stylo, d’un bloc-notes et intarissable en questions) m’a convaincu que le consultant du « HD » arrive d’une autre planète. Mais son intelligence des situations et ses arguments financiers lui ont ouvert des portes voire des boulevards en Casamance et en Guinée-Bissau. Seule, la Gambie du Président maladivement méfiant, Yaya Jammeh, reste hermétiquement fermée au carrousel du Comorien. Un accès très peu envisageable ; puisque le territoire gambien est, déjà, le sanctuaire de Salif Sadio et la chasse gardée de l’autre facilitateur : Sant’Egidio.

Qu’à cela ne tienne : l’équipe de Saïd est prête. D’autant plus disponible et  motivée que celui-ci dispose de 3 millions d’euros, recrute, paie et oriente aisément. Sa première recrue est le Colonel (CR) Fabouré membre du Groupe de Réflexion et de Recherche de la Paix en Casamance de Robert Sagna.  Cet officier – en l’occurrence le Colonel Fabouré, désormais excommunié et écarté du staff de Robert Sagna – est un natif de Bignona qui a connu le Comorien en République Démocratique du Congo où l’ex-MONUC devenue MONUSCO travaillait étroitement avec le « HD ». Les autres collaborateurs du consultant Saïd Abass Ahamed sont issus de la bande des combattants fatigués, vieux et véreux qui ont pignon sur rue à Ziguinchor. Il s’agit des rebelles de salon Youssou Coly et Louis Tendeng. A Dakar, c’est le maquisard usé et fossilisé Kamougué Diatta – il vit aux Maristes 2– que le « HD » a recyclé dans la quête de paix. Sous ce nouveau manteau, le vétéran Kamougué fait la navette entre Ziguinchor et Dakar.

A Bissau, l’expert dépêché par Nairobi et par Genève avait un contact voire un complice de taille : le ministre de l’Intérieur Boché Kandé (limogé depuis le 2 décembre) pour des motifs justement non étrangers à son attitude vis-à-vis de la mission de paix du « HD » dans le secteur de Sao Domingo, et à proximité des bases du MFDC. Un rapport succinct – relatif aux incidents entre l’escorte du ministre Boché Kandé et les rebelles casamançais, le long de la frontière sénégalo-guinéenne –  a été remis au Président José Mario Vaz, par la Sécurité d’Etat de Guinée-Bissau. Rapport qui s’est révélé finalement fatal à l’ex-ministre de l’Intérieur, un peu trop collaborateur et trop disponible à l’égard du « HD ».   

Avec l’équipe que voilà, Abass Saïd Ahamed intensifie ses actions, en Casamance et en Guinée-Bissau,  au travers d’un programme qui comporte deux volets : la gestion des conflits et la technique de négociation. La démarche est tellement surréaliste qu’elle a provoqué une réelle rigolade un peu partout ; notamment chez l’élite casamançaise (anciens ministres, actuels députés et cadres chevronnés) assez imprégnée des réalités locales et suffisamment avertie de la marge restreinte de l’Etat central sur les schémas de sortie de crise. Mais rien ne stoppe le Franco-comorien Abass Saïd Ahamed qui multiplie les séminaires dans et avec le maquis. Pour cela, il puise les participants dans le vivier rebelle de Diakaye et, surtout, dans le bastion de Goudomp commandé par « Compasse », le tombeur et héritier du chef rebelle démobilisé Ousmane Niantan. En revanche, le dur à cuire César Atoute Badiatte refuse de s’engager. Et exige de connaitre, avant tout, les termes du protocole qui lie Dakar et Genève.

Le puissant chef du maquis de Kassolol, César Atoute Badiatte, veut-il y voir clair, pour en empocher beaucoup ? Possible. Avec le filon d’or casamançais –  aux allures de festin sans fin, les fonds sont considérables, mais les avancées ne sont pas concrètes. A ce propos, le modus operandi du « HD » de Genève est non orthodoxe et choquant. Le Franco-comorien est, en effet, le prestataire et l’ordonnateur exclusif des dépenses des fonds libérés par l’UE, mais  inaccessibles à l’Etat. Alors que le conflit se déroule sur le sol sénégalais. En clair, Abass Saïd Ahamed travaille, apprécie son travail et se paie. Ça se passe au nez et à la barbe d’un gouvernement où siège un ministre de la Bonne Gouvernance. Des sources officielles mettent en avant l’alibi des lourdeurs bureaucratiques, pour justifier le diktat de Genève.     

Aux dernières nouvelles, cette activité débordante de l’émissaire du « HD » (sans rapports ni procès verbaux) commencerait à agacer en haut lieu ; singulièrement dans les milieux sécuritaires.  Mais la devise des capitalistes est inoxydable : « celui qui paie, commande ». En effet, l’Union Européenne paie, Genève exécute via Nairobi et le Sénégal, pays souverain, se désole. Sans suite. Pourtant, les motifs de réserve voire de vigilance, ne manquent pas. Car l’expert en paix fait des va-et-vient incessants entre le Sénégal et la Guinée-Bissau, comme on le ferait entre deux…moulins communicants. Pire, les grenouillages et les micmacs se déroulent sur fond de recrutements ininterrompus du MFDC. Une rébellion très douée dans l’exploitation stratégique du chômage des jeunes, dans une région censée être le banc d’essai, c’est-à-dire le laboratoire de ces nouveaux pôles de développement préfigurés par l‘Acte 3 de la Décentralisation. Pour l’instant,  Acte 3 et pôles de prospérité sont au stade poétique.   

Navrant de voir à l’œuvre, des charlatans de la paix (Sant’Egidio de Rome et HD de Geneve) dans une Casamance traitée comme un filon d’or, par des ONG, des centres et autres instituts douteusement philanthropiques. Et, de surcroit, inefficaces ! Comment le pays de Famara Ibrahima Sagna, Moustapha Niasse, Ibrahima Fall, et autre Général Lamine Cissé (des orfèvres du dégel et du rapprochement tant au Sénégal que dans le continent) peut-il confier le destin de sa province méridionale à un « expert étranger » qui lit les livres de Paul Pélissier, Antoine Tendeng, Christian Roche, Louis-Vincent Thomas et Oumar Diatta (j’ai préfacé l’ouvrage de ce dernier) pour comprendre la Casamance, avant d’y construire la paix ? C’est kafkaïen, surréaliste et vaudevillesque. Et in fine très irresponsable, car cette accalmie – un véritable somnifère –  est fragile et anecdotique. Les initiés et les férus de mysticisme racontent que nous la devons à la prêtresse Assète Emile, l’une des figures impressionnantes du Bois-Sacré, originaire d’Oussouye. Rien à voir avec l’usurpatrice Mariama Guigoz.

Les habitudes ont la peau dure. On laisse un abcès national aussi purulent entre des mains d’un consultant international. Et l’on s’investit âprement dans le débat politicien : faut-il faire feu sur l’alliance ou doit-on garder foi en la coalition Benno Bokk Yakaar ? Décidément, ce sont les Partis et les coalitions de Partis qui passent avant la Patrie minée par un cancer sur son flanc sud. Toutefois, l’espoir n’est pas totalement  perdu. A l’occasion de la journée des institutions, le Président de la république a ordonné que le Premier ministre aille, deux fois par mois, devant l’Assemblée nationale, informer les députés et discuter avec eux, de tous les sujets. La balle est le camp des élus du peuple qui auront ainsi l’obligation et le loisir de savoir ce que masque la sombre et surchargée accalmie qui prévaut en Casamance.

 

 

 

source:http://www.dakaractu.com/Laser-du-lundi-L-accalmie-cache-les-micmacs-en-Casamance-Par-Babacar-Justin-Ndiaye_a81279.html

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