Laser du lundi : Les chahuts chargés d’étincelles de Charlie Hebdo (Par Babacar Justin Ndiaye)
Écrit par SENETOILE NEWS
Lorsque le siège d’un journal devient soudainement le tombeau des journalistes, la galaxie de la démocratie et la planète des libertés sont naturellement inondées de colère, frappées de stupeur et figées d’indignation. Quand la scène de la tragédie se situe dans un pays qui – malgré son passé colonial lourdement ponctué de crimes contre la liberté à Madagascar, à Thiaroye, à Sétif et ailleurs – a jadis montré le chemin de l’Histoire à travers la Révolution de 1789 (matrice des libertés), le massacre inqualifiable répand ses ondes de choc et d’affliction jusqu’aux antipodes. A juste raison ; puisque la devise « Liberté- Egalité-Fraternité » colle à la France, une identité universelle.
On ne tire pas sur une ambulance a-t-on coutume de dire. Par conséquent, on ne déchire pas des linceuls couvrant des corps de journalistes, de policiers et d’innocents. Toutefois, l’odyssée du journal Charlie Hebdo – à l’image de moult initiatives excessivement et ostentatoirement libertaires dans la patrie de Voltaire – n’a jamais cessé d’alimenter des controverses philosophiques et de pérenniser des violences tous azimuts. Avant de choquer les musulmans de France et d’ailleurs, le fameux hebdomadaire avait indigné les Français, en novembre 1970, en titrant : « Bal funèbre à COLOMBEY-LES-DEUX-EGLISES : un mort ». Allusion aux obsèques du Général De Gaulle qui a libéré la France du nazisme et, par ricochet, restauré la liberté par laquelle Charlie Hebdo existe ; et au nom de laquelle il pollue l’existence d’autrui. Sans admettre l’inadmissible, on peut questionner une ligne éditoriale reposant grandement sur le chahut, l’irrévérence et la provocation sans limites. Y compris dans le domaine du sacré, au moment où le clash entre civilisations est rampant. La foire aux étincelles est vite inaugurée.
La terrifiante actualité dans l’Hexagone (décapitation de la rédaction, prise d’otages et bain de sang) insuffle une cure de jouvence rhétorique à la notion de liberté. Mot magique et mot tragique. Même « s’il est interdit d’interdire en démocratie » (slogan forgé en mai 68 par les sorbonnards en révolte), l’amour de la liberté suppose une haute idée de l’homme et de ses convictions. Quand la liberté d’expression agresse puis pulvérise la foi d’autrui, elle provoque un retour de flammes qui calcine tout. Voilà pourquoi la clique des Voltaires au petit pied doit faire très attention. Les bornes de l’imprudence dramatique sont très proches. Mais, point de panique ! Donc, pas de police de la pensée ni d’encadrement des idées ! Mieux, les questionnements de tous ordres sont à bénir et à bonifier. Car, c’est par la pertinence polie et exquise qu’on barre la route à l’impertinence insolente et irrespectueuse..
Malheureusement, la liberté n’a pas que des amis. Aux côtés des fourriers soucieux de son essor, on recense toute une faune de fossoyeurs, au travail. Et, aussi, de funambules, toute ingéniosité déployée. Les fourriers de la liberté sont des démocrates profondément sincères qui, tant au Nord qu’au Sud, se surpassent en efforts et en patience, pour fournir l’humus nécessaire à la floraison des libertés consubstantielles à la démocratie. Ils ont pour unique arme, le culte de la conciliation qui rend « les identités meurtrières » moins meurtrières, pour paraphraser l’écrivain libanais Amine Maalouf. En face d’eux, se dressent les fossoyeurs farouchement déterminés et fortement armés de certitudes (vérités sommaires) qui les placent au-dessus du « doute fécond » cher à Raymond Aron.
Ces fanatiques de tout acabit – dans les religions et en dehors des religions – sont les exécutants d’agendas non exempts de manipulations ou de provocations dévastatrices. De ce point de vue, le djihadiste adoubé par Al Qaïda et le journaliste de Charlie Hebdo nourri à la sève de l’iconoclasme furieux et débridé, sont à loger à la même enseigne. Tout excès étant insignifiant et exécrable. Enfin, il ya les funambules, princes de l’éclectisme, qui jonglent avec les idées, tantôt en direction du jardin, tantôt vers la cour. Trapézistes du débat, ils sont les artisans de la finlandisation des libertés. Dans cette dernière catégorie, figure un universitaire sénégalais de renom qui – arguments savantissimes mais obliques à l’appui – s’est fait l’avocat de Charlie-Hebdo.
Curieusement, la terre de Descartes demeure un terreau fertile en folies et en fractures. Les vestiges de la colonisation, les avatars de la décolonisation et la pression de l’émigration ont fait le lit d’une France de plus en plus multiculturelle. Tournant sociologiquement mal accepté par des pans de l’opinion et politiquement bien exploité par un discours électoral en perpétuelle adaptation. Le fait saillant et inquiétant est qu’en dépit de l’intégration par la loi, les Beurs restent encore dans les marges de la société française où les prédicateurs venus d’Orient, les fanatisent avec d’autant plus d’aisance qu’ils sont justement marginalisés ; donc en quête frénétique d’identité ou de salut. C’est dire combien la bombe beur (Chérif et Saïd Kouachi) côtoie la grenade africaine symbolisée par Amédy Coulibaly, le produit d’une immigration noire dont Jacques Chirac dénonçait « les bruits et les odeurs » gênants pour le voisinage français. Un modèle de discours qui ne réduit pas la fracture. Loin s’en faut.
Au chapitre des folies hexagonales dont Charlie Hebdo n’a pas le monopole, rappelons l’épisode marquant du groupe de rock ou de rap au nom inénarrable de « Nique ta mère ». Ça ne s’invente pas. Après avoir composé et chanté leur fameux tube intitulé, « je pisse sur la Police », les musiciens ont tous été embarqués précisément par la Police, sur ordre du ministre de l’Intérieur. Question : un Etat qui punit ceux qui pissent sur la Police, doit-il être magnanime à l’égard de ceux qui caricaturent le Prophète Mohamed (PSL), guide de plus d’un milliard et demi d’hommes et de femmes ? Il est quand même urgent de stopper le char de Charlie Hebdo. Pas avec les Kalachnikovs des frères Kouachi, mais par une meilleure défense de la liberté. Homme de droite doté d’une vaste culture, Louis Pauwels martelait : « Notre liberté, lorsqu’elle perd ses entraves, devient, elle-même, l’entrave d’une plus grande liberté ».
Dans cet élan de solidarité, le Sénégal est officiellement aux avant-postes. Toutefois, les Sénégalais sont globalement interloqués par le voyage de leur Président (Macky Sall) chaudement disposé à marcher dans les rues de Paris, contre les ennemis de la Liberté et de la République. Un chef d’Etat qui marche allègrement à Paris, mais interdit fermement les marches à Dakar. Interdit de sourire ! Au demeurant, la solidarité et la compassion du Président Sall ne sont pas que drôles. Elles sont également pénibles ; parce que constamment à géométrie variable. En mai 2014, une dizaine de préfets sont égorgés comme des moutons, au Nord-Mali. Dans la foulée, l’armée malienne a enregistré une hécatombe à Kidal. De retour de Kigali, Macky Sall survole le Mali (le même jour) sans se poser.
En revanche, le Mauritanien Mohamed Abdelaziz – en provenance également d’Afrique de l’Est, a débarqué à Bamako, essuyé les larmes du Président IBK, puis fait un saut jusqu’à Kidal où il a décroché un cessez-le-feu. L’ambassade du Mali à Dakar – moins chanceuse que la chancellerie française – n’a pas accueilli le chef de l’Etat sénégalais. Pourtant, les deux pays (Mali et Sénégal) partagent, au moins, une triple appartenance : OMVS, UEMOA, CEDEAO. Trois cadres de solidarité économique, monétaire et politique logiquement contraignants. Attitude similaire à l’égard de la Guinée ravagée par la fièvre hémorragique à virus Ebola. Les Présidents du Mali, du Niger, du Bénin, de France et le Secrétaire Général de l’ONU y ont devancé leur collègue sénégalais toujours invisible à Conakry.
D’un point diplomatique, la participation de Macky Sall à la marche anti-terroriste de Paris n’est sûrement pas la résultante de la meilleure inspiration, du parfait balisage et, in fine, du bon conseil. A la différence de ses collègues africains présents à Paris et aux côtés de dirigeants européens porteurs d’autres agendas, le chef de l’Etat du Sénégal porte la casquette – pardon, que dis-je – le turban de Président en exercice de l’Organisation pour la Coopération Islamique : OCI. Une responsabilité incompatible avec toute démarche de solidarité clairement ou confusément univoque. Car, les pièges ne manquent pas en Occident où l’on a l’intelligence stratégique de fabriquer des périls commodes à combattre : le péril rouge (communisme) le péril jaune (les guerres de Corée et du Vietnam ciblant indirectement la Chine de Mao) et, aujourd’hui, le péril vert (l’islam).
PS : Bien des choses sont troublantes dans cette affaire Charlie Hebdo ; notamment dans la séquence post-attaque. D’abord un terroriste en fuite, né en France, titulaire du bac, et formé au Yémen (un des frères Kouachi) qui laisse bêtement sa pièce d’identité dans une voiture recherchée activement par la Police. Première bizarrerie qui frise une fable de La Fontaine. Ensuite, la dame Hayat Boumediene (terroriste et épouse de terroriste) présente sur le sol français au moment de l’assaut puis recherchée théoriquement par tous les services de sécurité (Police, Gendarmerie et Services spéciaux) est maintenant localisée en Syrie par la presse turque. Qui l’a exfiltrée ? Seconde bizarrerie. Enfin, les services de renseignement algériens avaient informé leurs homologues français 24 heures avant l’attentat, d’après le journal El Watan. Troisième motif d’étonnement. L’odeur de manipulation est très forte. Attention à la solidarité aveugle !
source: http://www.dakaractu.com/Laser-du-lundi-Les-chahuts-charges-d-etincelles-de-Charlie-Hebdo-Par-Babacar-Justin-Ndiaye_a82139.html
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