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On a toujours besoin de plus pauvre que soi. Alors que le Sénégal vient d’accueillir le sommet de la francophonie, dernier vestige de l’empire colonial français, il est opportun de faire une radiographie de la politique de coopération française. Grandeur ou décadence ? Quel est donc le vrai visage de la coopération d’un pays qui s’essouffle et régresse au niveau mondial ?
Une coopération moisie
Avec ses huit millions de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté en 2014, la France a déjà un pied parmi ses chers amis du tiers-monde. Et, plus que jamais, elle a besoin de pointer les pauvres d’ailleurs. Pour preuve, sont accueillies chaque année, sur le campus parisien de l’Ecole nationale d’administration, des promotions de boursiers fonctionnaires africains pour des programmes de formation intensive en administration publique. Des programmes du type : «Gestion de projet dans un contexte de coopération internationale». Première aberration : ces fonctionnaires sont parqués entre Africains. Comme si la coopération internationale n’impliquait pas le Nord et le Sud ? Deuxième aberration : alors que les enseignants intervenants sont tous des hauts cadres des grandes institutions nationales et internationales, et que l’on attend d’eux une compréhension élaborée du monde, ils livrent pour la plupart une triste pensée binaire. Stigmate d’une idéologie néocoloniale, d’une élite qui peine à se renouveler.
Un exemple : jamais le mot «pauvre» n’aura autant raisonné dans leur bouche pour qualifier le continent africain. Coopération pour pauvres, pauvre coopération ! Autrement dit, ceux qui ont construit leur rapport à l’autre sur des principes de dominants - dominés, qui ne peuvent s’empêcher de donner des leçons, sont dépourvus du bon logiciel pour s’inscrire dans des dynamiques égalitaires, des logiques de partenariat.
Une coopération malhonnête
Rappelons ici dans quels secteurs d’activités la coopération française se déploie à l’étranger. Il s’agit des domaines de l’éducation, de l’emploi, des droits, de la santé, de la culture, etc. Or, quand on a la prétention de venir agir ailleurs dans le monde sur des questions aussi névralgiques, assurons-nous au moins d’avoir des acteurs qui croient en ce qu’ils font. Un exemple : alors que le chômage asphyxie les jeunes Français, la France a souhaité, sans cahier des charges, venir au secours des jeunes chômeurs sénégalais en organisant, en novembre pendant cinq jours, le «Forum pour l’employabilité des jeunes».
Parce qu’on a toujours besoin d’un plus pauvre que soi. Le résultat est sans appel. Non seulement former à l’employabilité sur une si courte période reste une gageure. Mais, pire, à l’issue de ces cinq jours, à peine 10% des entreprises annoncées étaient effectivement présentes ! Autrement dit, un rendez-vous de l’employabilité sans employeurs ! Au centre de cet événement mal organisé, une promesse non tenue.
Une fois de plus, sur le continent, la coopération privilégie la quantité au détriment de la qualité pour mieux se prévaloir d’une politique du chiffre. Après tout, de quoi les «pauvres» ont-ils besoin ? Un bol de riz à partager à plusieurs en guise de pause déjeuner pour des jeunes traités au kilo lors du forum. Comme preuve de mépris, on peut difficilement faire mieux.
Une coopération misérabiliste
C’est l’Afrique folklorique qui applaudit, reconnaissante de la charité, bref, c’est l’Afrique à genoux qui est l’interlocuteur naturel de la coopération française. Parce qu’on a toujours besoin d’un plus pauvre que soi. A côté, l’Afrique qui travaille aux standards internationaux, qui livre dans les délais, qui innove, bref, l’Afrique qui réussit incarne leur pire cauchemar. En effet, les Français n’ont aujourd’hui ni les moyens intellectuels, ni les budgets pour suivre cette déferlante de jeunes talentueux et engagés, d’entrepreneurs sociaux au modèle économique viable, dans une Afrique qui ne rêve pas de l’occident. Et, bien plus grave, ils n’ont même pas le cœur pour suivre. N’est-ce pas cela la vraie pauvreté ?
Voici venu le temps de l’inversion. Dorénavant, la France se confronte à de nouvelles générations décomplexées n’ayant pas connu la colonisation. Autrement dit, avec des acteurs qui voient les coopérants tels qu’ils sont, comme dans un scanner. Qui comprennent les enjeux des deux mondes, le Nord et le Sud. Et qui sauront imposer aux institutions étrangères, aussi grandes soient-elles, une obligation de résultat et une véritable culture de l’évaluation.
Le temps de l’inversion, c’est-à-dire une époque qui verra l’avènement de l’égalité sous toutes ses formes. Il est temps pour la République d’appuyer sur le bouton «actualiser».
Khady TOURÉ Chef d'entreprise sénégalaise
SOURCE: http://www.leral.net/France-recettes-pour-une-cooperation-toxique-Par-Khady-Toure_a131703.html