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La sortie du F CFA est-elle une nécessité pour les pays de la Zone Franc ? De l’avis de l’économiste Ndongo Samba Sylla, le défi est plutôt d’émerger du FCFA. Car les avantages qu’offre cette monnaie sont de loin inférieurs aux inconvénients.
Le 11 août 2015, dans le cadre du 55e anniversaire de l’indépendance de son pays, le Président tchadien Idriss Déby avait donné le ton. Selon lui, il y a dans le cadre de la coopération monétaire avec la France, des «clauses qui tuent les économies africaines» et qui «ne permettront jamais à l’Afrique de se développer».
«Il faut avoir le courage de dire qu’il y a un cordon qui empêche l’Afrique de se développer et qu’il faut couper», lançait-il du haut de la tribune. En effet, c’est en décembre 2015 que le système F CFA a soufflé sa soixante-dixième bougie. Ce qui en fait la zone monétaire la plus ancienne encore en existence. Malgré cette longévité exceptionnelle, le F CFA est loin de faire l’unanimité auprès de la majorité des économistes et intellectuels africains.
L’économiste Sénégalais, Ndongo Samba Sylla explique que les supporters du CFA se contentent souvent de dire que les bénéfices économiques du F CFA sont supérieurs à ses coûts. De leur point de vue, le système F CFA repose avant tout sur une logique de coopération monétaire, et non de néocolonialisme. Le F CFA aurait la vertu d’être une monnaie crédible et stable, un avantage non négligeable au regard de l’expérience de la plupart des pays africains battant leur propre monnaie. Il ne suffirait que de constater l’instabilité macroéconomique de pays formellement «souverains» sur le plan monétaire comme le Nigéria, l’Angola, le Ghana, etc. L’autre avantage évoqué par les défenseurs de la tutelle française est que le CFA a permis de maintenir l’inflation à un niveau largement en dessous de la moyenne africaine. Autant d’éléments censés favoriser l’investissement et le commerce. «Les supporters du F CFA attribuent ainsi le sous-développement des pays de la Zone Franc à des facteurs indépendants de la politique monétaire et de la politique de change. Ils indexent en particulier les mauvaises politiques économiques des Chefs d’Etat de la Zone Franc et l’instabilité politique de leur pays», informe le chercheur.
Dans l’univers des adversaires du CFA
Cependant, les adversaires du système FCFA fondent leurs critiques sur trois types d’arguments. Le premier consiste d’abord à dénoncer l’absence de souveraineté monétaire. La France a un droit de véto de fait dans les Conseils d’administration des trois banques centrales de la Zone Franc. Depuis 2010, avec la réforme de la BCEAO, la conduite de la politique monétaire est confiée à un Comité de politique monétaire (CPM). Alors que le représentant de la France a voix délibérative au sein du CPM, le président de la Commission de l’UEMOA (Union Economique et Monétaire Ouest Africaine) lui n’a qu’une voix consultative. Par ailleurs, la politique monétaire et la politique de change des pays de la Zone Franc s’alignent sur celles de la Banque Centrale européenne dont l’orthodoxie monétaire implique un biais anti-inflation qui s’avère coûteux en termes de croissance.
Le deuxième argument part de l’idée que l’appartenance à la Zone Franc ne favorise pas le progrès démocratique. En ce sens que pour maintenir le système F CFA, la France n’a jamais hésité à se débarrasser des leaders qui ont essayé d’en sortir. «On se rappelle par exemple de l’assassinat de Sylvanus Olympio en 1963 au moment où il avait pris la décision de sortir le Togo de la zone F CFA. La plupart d’entre eux ont été écartés du pouvoir ou tués au profit de dirigeants plus dociles qui s’accrochent au pouvoir contre vents et marées, comme l’illustrent les pays de la CEMAC et le Togo », analyse-t-il. A l’en croire, l’émergence économique ne serait pas possible dans de telles conditions pas plus que l’érection d’un système politique répondant aux préoccupations de la majorité des citoyens.
Toujours dans la même lancée, l’expert évoque un troisième argument qui porte sur l’impact économique du système F CFA, un dispositif néocolonial qui continuerait d’anéantir toute perspective de développement économique dans les pays qui l’ont en partage. Le F CFA, selon cette perspective, est un frein à l’industrialisation et à la transformation structurelle. «Il n’a pas stimulé l’intégration commerciale des pays qui l’utilisent pas plus qu’il n’a favorisé un meilleur financement bancaire des économies. Il encourage les sorties massives de capitaux. En somme, l’appartenance à la Zone Franc serait synonyme de pauvreté et de sous-emploi», relève l’ancien champion du monde de scrabble francophone.
En témoigne le fait que sur les 15 pays de la Zone Franc, 11 pays sont classés parmi les PMA – les Pays les moins avancés - alors que les quatre pays non-PMA (Côte d’Ivoire, Cameroun, Congo, Gabon) ont reculé en termes absolus sur le plan économique (en termes de revenu par habitant).
Sortir du CFA pour émerger
Rejoignant la catégorie des adversaires du CFA, M. Sylla indique que la sortie du F CFA est une nécessité pour les pays de la Zone Franc dont la plupart ont d’ailleurs concocté des plans d’émergence économique. «Quelle que soit la définition donnée à l’émergence, il est clair que l’émergence est impossible avec le FCFA. Le défi est plutôt d’émerger du FCFA. De mon point de vue, les coûts du FCFA – faiblesse de la croissance de long terme, désindustrialisation, faible financement des économies, fuites massives des capitaux, etc. – l’emportent largement sur ses bénéfices (faible inflation et stabilité monétaire) », soutient-il. Mieux l’économiste chercheur considère que même si les bénéfices l’emportaient sur les coûts, la sortie serait tout de même désirable. «D’une certaine manière, le système FCFA c’est l’histoire des esclaves à qui l’on promet la faim, la maladie, l’insécurité, etc. s’ils se libèrent de la domination de leurs maîtres», suppose-t-il, signalant que sortir du FCFA serait ainsi une étape importante dans la lutte pour parachever la décolonisation du continent et pour engranger des acquis démocratiques significatifs.
D’ailleurs il a annoncé que le débat est loin d’être clos et que sous peu, il pourrait cependant changer de nature. De son avis, avec le projet de mise en place en 2020 d’une monnaie unique dans l’espace Cedeo (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest), la question des avantages et des inconvénients du F CFA pourrait bientôt ne plus être d’actualité. «Auquel cas, les enjeux tourneront davantage sur l’opportunité de cette initiative (au regard des différences de spécialisation économique des quinze pays de ce bloc), sa faisabilité (le projet était prévu initialement en 2015) et, notamment, le choix du régime de change le plus approprié », anticipe-t-il. Et le chercheur de conclure : «il faudra également voir comment le projet de monnaie unique au sein de la Cedeo s’insère dans le cadre du projet de monnaie unique continentale ».
Auteur: Hamad Ndiaye - Seneweb.com
source: http://www.seneweb.com/news/Economie/le-franc-cfa-cette-devise-qui-plombe-not_n_180157.html