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Selon les analystes, la « DONNEE » est considérée comme le pétrole du XXIème siècle. Depuis les années 2000, on assiste à un déluge de données générées par les réseaux informatiques, les réseaux sociaux ou tous les objets connectés tels que les Smartphones, etc. Le stockage et l’exploitation de données massives ont conduit à l’émergence d’une nouvelle application à la fois informatique et mathématiques, appelée le Big Data. Il se caractérise par de gigantesques Volumes de données, leur Vitesse d’acquisition ainsi que leur Variété, d’où le nom « les 3V », utilisé pour la première fois par Gartner. Au-delà de la capacité de stockage, ce concept naissant est une prouesse scientifique et technologique car il apporte une rupture structurelle par rapport aux méthodes classiques d’analyse de données. Il s’appuie sur un traitement parallèle par l’entremise d’un système distribué. A vocation souvent prédictive, il permet à la machine d’apprendre automatiquement à partir des données.
Le Big Data, qui a fait son irruption depuis seulement quelques années, est en plein essor partout dans le monde. Sur le continent africain, certains grands groupes s’orientent déjà vers ce domaine. Selon une étude réalisée par les firmes IBM et IDG-Connet, cinq pays se démarquent par leur capacité à mettre en œuvre des applications à grande échelle dans un futur proche. Il s’agit de l’Afrique du Sud, du Kénya, de l’Egypte, du Maroc et du Nigéria. Concernant le Sénégal, depuis juin 2014, il abrite la deuxième édition du Challenge « Big Data for Development », après celle de la Côte d’Ivoire en 2013. Le Big Data dispose d’un fort potentiel de transformation du secteur des services et de l’industrie car il permet d’optimiser les processus décisionnels tout en garantissant la veille stratégique. Sans aucun doute, son marché est très prometteur pour les pays en voie de développement ou empruntant le chemin de l’émergence.
Opportunité pour l’emploi et la formation…
Le Président Macky SALL a placé la problématique de l’emploi au cœur de ses priorités. A travers le Plan Sénégal Emergent (PSE), il ambitionne de créer 500000 à 600000 emplois formels pour les dix prochaines années. C’est pourquoi il mise principalement sur l’agriculture, à travers le programme des domaines agricoles communautaires, pour réduire le chômage. Cependant, le problème de l’emploi est un défi majeur auquel tous les pays sont confrontés. Pour le relever, il est nécessaire d’explorer de nouveaux leviers de croissance, notamment dans le domaine du numérique. En ce sens, les applications du Big Data sont une opportunité réelle.
Compte tenu des atouts disponibles au Sénégal, en l’occurrence, la disponibilité du réseau de téléphonie, la souplesse de la fiscalité et le dynamisme de la classe moyenne, le numérique, qui est un véritable secteur émergent, peut être placé au cœur du dispositif de lutte contre le chômage des jeunes diplômés. Pour cela, il faut mettre en place un environnement favorable aux affaires qui s’inscrit dans un cadre incitatif doté d’instruments institutionnels et financiers opérationnels et suivi par des acteurs publics rigoureux et accessibles. A l’image de la Silicon Valley aux Etats-Unis, de la Silicon savannah au Kénya ou du smart village en Egypte, il convient de favoriser la mise en place d’un incubateur public d’entreprises dont la mission consiste à accompagner les entreprises et les startups à se développer en vue de répondre aux besoins du marché de la sous-région. Afin de donner un sens à la dynamique des pôles territoires constituant le socle du Plan Sénégal Emergent, cette technopole doit être située à l’intérieur du pays. De par sa position géostratégique dans la sous-région, la zone Sénégal Oriental est le meilleur choix pour accueillir un tel écosystème des services qui se baptiserait le « Gold Sen-Oriental ». En même temps, notre pays doit stratégiquement occuper la place de leadership technologique afin de réaliser son ambition de hub régional multiservices, tel qu’il a été préconisé dans le PSE. En somme, le potentiel économique du Big Data est, par ailleurs, indéniable et les retombées, en termes, d’emploi et de création de richesse non négligeables.
Concernant l’opportunité pour la formation, le Big Data arrive à point nommé. Car il s’articule parfaitement à la vision du chef de l’Etat qui consiste à « réorienter le système éducatif et l’enseignement vers les sciences, la technologie et la formation professionnelle au service du développement… ». La mise en œuvre du Big data requiert des compétences qui font l’interface entre l’informatique et les mathématiques appliquées à la statistique ; elle débouche sur les filières certifiantes, les masters spécialisés, les troisièmes cycles en recherche appliquée et la formation continue. Les métiers qui en découlent sont les architectes informaticiens, les développeurs, les statisticiens spécialisés aux algorithmes du « Machine Learning ». C’est pourquoi, s’il est soutenu par les pouvoirs publics, ce secteur est un levier certain capable de contribuer réellement à la transformation structurelle de l’économie.
Enjeu économique…
La valeur économique des applications du Big Data ne fait plus de doute. En effet, de plus en plus, la donnée est devenue la nouvelle matière première à prendre en compte dans les choix stratégiques. C’est pour cela que beaucoup d’entreprises se développent autour de sa commercialisation ou de son traitement. Ce concept transversal a des applications qui impactent directement ou indirectement l’ensemble des secteurs d’activité. Il crée de la valeur économique par la mise en évidence d’indicateurs de performance qui améliorent le chiffre d’affaires des entreprises et réduisent les coûts d’exploitation en optimisant les ressources et les gains de productivité. Par exemple, dans le secteur du transport aérien ou terrestre, ces indicateurs permettent non seulement d’améliorer la sécurité et la sûreté mais aussi d’atténuer la congestion du service tout en optimisant la gestion du trafic. En médecine, l’analyse des millions de données permet d’assister les professionnels de santé durant le diagnostic, le suivi ou la prévention de maladies. Dans le domaine du marketing ou en assurance, les applications du Big Data permettent de mettre en évidence les différentes typologies de profils cibles afin d’élaborer des stratégies adaptées au sein de l’entreprise. Il permet également de lutter contre la fraude ou la cybercriminalité dans les banques, les administrations ou ailleurs, etc.
Donc, ce sont autant d’applications dans le secteur public comme dans le privé dont les retombées soutiennent la croissance qui est profitable à la population. En 2013, le cabinet Mc Kinsey considère que le Big Data fait partie des cinq secteurs clés de la croissance américaine. Durant la même année, la France, par le biais du « Commissariat Général à la Stratégie et à la Prospective », a adopté la valorisation des données massives comme un des axes stratégiques durant les vingt prochaines années. Ce qui a conduit à la mise en place de la FrenchTech comme « Accélérateur » des startups français. Dans le même sillage, au Kenya, IBM s’est engagée à mettre sa technologie Big Data au service de l’Union Internationale pour le Contrôle du Cancer (UICC). Son objectif est de concevoir la plus grande base de données clinique au monde, qui sera constituée de registres anonymes des patients, pour la maîtrise de cette pathologie. Les résultats obtenus seront mis à la disposition des autorités pour une définition des politiques publiques en adéquation avec les besoins des populations.
La révolution Big Data est en marche. Toutefois, dans cet élan, l’accès aux données fait souvent face aux obstacles de certaines dispositions juridiques comme l’Acte additionnel A/SA.1/01/10 sur l’espace CEDEAO, la loi 2008-12 au Sénégal ou la loi sur « Informatique et liberté » en France. Toutes ces dispositions sont relatives à la protection des données personnelles. Par ailleurs, la réflexion est engagée dans beaucoup de pays afin de réaménager ces dispositions à travers l’anonymisation pour la mise à disposition des données. Dans ce contexte, le challenge pour le législateur consiste à trouver le juste milieu entre le progrès technologique et l’éthique. Equation, pas facile à résoudre !
Lassana KOITA,
Statisticien et Expert en Sécurité des aérodromes – Aviation Civile
Convergence des Cadres Républicains/DSE-France
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