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Pour une personnalité spéciale jugée par une juridiction spéciale, ce procès de Karim Wade et Cie ne pouvait être qu’historique tout comme la décision de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei). L’ancien ministre et fils de Abdoulaye Wade a été condamné le 23 mars à 6 ans de prison ferme et à plus de 138 milliards de F Cfa.
Alors que ses complices ont écopé de fortunes diverses. Un dossier économique dans ses aspects comptable, pénal pour le délit d’enrichissement illicite, commercial pour la constitution des sociétés, constitutionnel pour la loi créant la Crei. Voilà pourquoi Le Quotidien a choisi de publier in extenso et en exclusivité l’arrêt rendu par Henri Grégoire Diop et ses assesseurs que les spécialistes du droit attendaient impatiemment pour plonger dans le débat. Un véritable «commentaire d’arrêt» à soumettre aux étudiants. 11 pages à consommer. En exclusivité.
Sur la recevabilité des exceptions soulevées
Considérant que les exceptions tant de la nullité de citation que de la procédure, ainsi que les exceptions préjudicielles doivent être soulevées avant toute défense au fond en vertu des dispositions des articles 373 et 374 du code de procédure pénale ;
Considérant que les prévenus ont soulevé ces exceptions après avoir été interrogés sur leur identité ;
Qu’à ce stade de la procédure, ils n’avaient encore articulé aucun moyen de défense touchant au fond ;
Considérant que de telles exceptions sont toujours recevables tant que le prévenu n’a pas, sur interrogatoire du président de l’audience, articulé un moyen de défense touchant le fond, soit en contestant les faits qui lui sont reprochés, soit en les discutant au cours des débats ;
Que toutes les exceptions dont l’irrecevabilité a été soulevée ont été déclinées par la défense avant que cette phase de la procédure ne soit entamée ;
Que dès lors, l’irrecevabilité ainsi soulevée ne peut être retenue ;
Qu’il y a lieu par conséquent de déclarer recevables en la forme les exceptions soulevées par la défense ;
Sur le bien fondé des exceptions soulevées
Sur la violation du droit à un procès équitable
Considérant que la défense plaide la violation du droit à un procès équitable, en soutenant que les lois sur la CREI opèrent un renversement de la charge de la preuve, portent atteinte à la présomption d’innocence et ne permettent pas l’exercice du droit à un recours effectif ;
Considérant qu’il n’appartient pas à la cour de céans de statuer sur la supposée violation des principes directeurs du procès énoncés ci-dessus car elle ne peut en aucune façon se prononcer, sans outrepasser sa compétence, ni sur la constitutionnalité, ni sur la conventionalité des lois 81-53 relative à la répression de l’enrichissement illicite et 81-54 portant création de la Cour de répression de l’enrichissement illicite ;
Que la presque totalité des conventions évoquées par la défense ont été constitutionnalisées au Sénégal et qu’en tout état de cause, les dispositions des lois précitées ne sont pas incompatibles avec celles des conventions et traités internationaux dont se prévaut la défense ;
Qu’en effet, en vertu des dispositions de l’article 92 alinéa premier de la Constitution du Sénégal «Le Conseil constitutionnel connait de la constitutionnalité des lois, des règlements intérieurs des Assemblées et des engagements internationaux, des conflits de compétence entre l’Exécutif et le législatif, ainsi que des exceptions d’inconstitutionnalité soulevées devant la Cour Suprême» ;
Qu’en application desdites dispositions, le Conseil constitutionnel a déjà été saisi de l’exception d’inconstitutionnalité soulevée devant la Cour Suprême des lois précitées ;
Que par arrêt en date du 03 mars 2014, la haute juridiction susvisée a déclaré lesdites lois conformes à la Constitution, et par conséquent aux instruments juridiques internationaux ratifiés par le Sénégal ;
Considérant que les décisions du Conseil constitutionnel s’imposant aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles, aux termes de l’article 92 alinéa 2 de la Constitution, la Cour de céans ne peut par conséquent connaitre des exceptions tirées d’une supposée violation alléguée des principes du procès équitable par les règles édictées par les lois 81-53 et 81- 54 du 10 Juillet 1981 ;
Qu’il y a lieu par conséquent de rejeter lesdites exceptions ;
Sur la violation des droits de la défense
Considérant que l’article 11 de la loi 81/54 dispose que : «les infractions de la compétence de la CREI sont instruites selon les règles de procédure de droit commun, sous réserve de l’application des dispositions particulières de la présente loi» ;
Considérant que la Commission d’instruction a, tout au long de l’instruction, appliqué les dispositions du code de procédure pénale, code régissant la procédure de droit commun appliqué par toutes les juridictions pénales du Sénégal ;
Considérant que le juge, qui est soumis à la loi, ne peut de son propre chef, décider qu’une telle loi supposée violer les droits de la défense, ne saurait s’appliquer ;
Considérant qu’aux termes de l’article 13 de la loi 81-54, les décisions de la Commission d’instruction ne sont susceptibles d’aucun recours à l’’exception de l’arrêt de non lieu ;
Que celle-ci ainsi que la Cour de céans, n’ont pas à se prononcer sur les demandes de recours formulées par la défense contre les décisions précitées ;
Considérant qu’au demeurant, le Code de Procédure Pénal ne permet à l’inculpé, dans les procédures de droit commun, de faire appel, que dans des cas limitativement énumérés ;
Que le système de double degré de juridiction n’existe pas devant beaucoup de juridictions dont la Cour de justice de la CEDEAO, la Cour des Comptes du Sénégal, le Conseil Constitutionnel, la Haute Cour de Justice, le Tribunal militaire, la Cour d’Appel en formation de jugement des avocats ou la Cour Suprême statuant en matière de recours pour excès de pouvoir ou jugeant des magistrats ;
Qu’on ne peut reprocher à ces juridictions qui appliquent le droit existant de violer les droits de la défense, la simple absence de double degré de juridiction n’étant pas ipso facto synonyme de violation de droit de la défense ;
Qu’en tout état de cause, le Conseil Constitutionnel ayant déclaré conformes à la constitution les lois sur la CREI, le juge en appliquant les dispositions desdites lois ne viole en aucune façon un quelconque droit des parties ;
Considérant que la défense qui se plaint de la violation de ses droits n’a pas articulé ses différents droits qui auraient été violés ;
Considérant qu’en vertu des dispositions de l’article 14 de la loi 81-54 du 10 Juillet 1981, ce sont les règles du CPP applicables devant le tribunal correctionnel qui régissent la procédure en ce qui concerne les débats et le jugement devant la CREI ;
Qu’en se conformant auxdites dispositions à l’instar du tribunal correctionnel, la Cour de céans ne peut en aucune façon violer les droits de la défense ;
Considérant qu’en ce qui concerne les mesures d’interdiction de sortie du territoire national, de limitation du droit d’aller et de venir et autres qui ont été pris par le ministère public avant l’inculpation des prévenus, les décisions de placement sous mandats de dépôt et de mise sous contrôle judiciaires prises par la Commission d’instruction, par application des dispositions des articles 127 bis et 127 ter du CPP, y ayant mis fin, la CREI ne saurait désormais se prononcer sur lesdites mesures ;
Considérant qu’il y a lieu, au vu de tout ce qui précède, de rejeter la demande de nullité de la procédure pour violation des droits de la défense ;
Sur la question préjudicielle relative aux biens immobiliers
Considérant que l’article 372 du Code de Procédure Pénal (CPP) dispose que «le Tribunal saisi de l’action publique est compétent pour statuer sur toutes les exceptions proposées par le prévenu pour sa défense, à moins que la loi n’en dispose autrement, ou que le prévenu n’excipe d’un droit réel immobilier» ;
Qu’il résulte de ce texte que l’exception préjudicielle de nature immobilière n’est admise que si le prévenu excipe d’un droit réel immobilier autrement dit s’il se prévaut d’un tel droit ;
Considérant qu’il est reproché aux prévenus, non de détenir des droit réels sur des immeubles, mais d’être, d’après l’arrêt de renvoi, les actionnaires ou les bénéficiaires économiques de sociétés qui elles-mêmes détiennent des droits réels immobiliers ;
Qu’aucune contestation n’ayant été soulevée sur le droit de propriété des sociétés morales dont les noms figurent sur les titres produits par les prévenus eux-mêmes, les dits titres ne donnent pas de fondement par conséquent aux prétentions de ceux-ci ;
Qu’il y a lieu, dans ces conditions, Karim Meïssa Wade, contestant par ailleurs tout droit sur les immeubles cités comme étant sa propriété, de ne pas admettre, conformément aux dispositions de l’article 374 alinéa 3 du code de procédure pénale l’exception préjudicielle soulevée et de la rejeter comme non fondée ;
Sur la violation de l’article 101 du CPP
Considérant qu’il ressort de la lecture des mentions figurant sur les procès-verbaux d’interrogatoire de première comparution des prévenus, qu’après avoir donné avis aux comparants de leur droit de choisir un conseil parmi les avocats inscrits au tableau ou admis au stage, et après avoir constaté leur identité, les juges de la Commission d’instruction de la CREI leur ont fait connaitre les faits qui leur sont imputés et les ont inculpés pour lesdits faits avant de les avertir qu’ils sont libres de ne faire aucune déclaration ;
Considérant qu’après avoir lu toutes les mentions figurant sur les procès-verbaux précités, les prévenus en présence de leurs conseils, les ont tous signés, reconnaissant ainsi que lesdites mentions sont exactes et n’ont fait l’objet d’aucune réserve de leur part ;
Qu’ils sont malvenus par conséquent à prétendre que la commission d’instruction ne leur a pas fait connaitre les faits qui leur sont reprochés, faits dont Karim Meïssa WADE avait d’ailleurs déjà eu connaissance après avoir reçu notification de la mise en demeure que lui avait adressée un mois avant son inculpation, le procureur spécial de la CREI ;
Qu’il y a lieu de rejeter la demande de nullité de la procédure fondée sur les dispositions de l’article 101 du CPP ;
Sur la violation de l’article 105 du Code de Procédure Pénale
Considérant que l’article 105 du Code de Procédure Pénale ne réglemente pas la durée entre les interrogatoires et confrontations, mais le délai minimum de convocation du conseil de l’inculpé et de mise à disposition du dossier qui est de vingt-quatre (24) heures si le conseil réside au siège de la juridiction et huit (08) jours s’il ne réside pas au dit siège ;
Considérant qu’il résulte des pièces du dossier, notamment des convocations à conseil cotées de A750 à A755, que les conseils des prévenus ont toujours été régulièrement convoqués et la procédure mise à leur disposition vingt-quatre heures au plus tard avant chaque interrogatoire ;
Qu’ils ont pu, par conséquent, consulter le dossier avant chaque confrontation avec les témoins ;
Que la commission d’instruction de la CREI peut immédiatement après un interrogatoire au fond, procéder, sans violer les dispositions de l’article 105 du CPP et si elle l’estime nécessaire, à une ou des confrontations, le dossier ayant déjà été mis à la disposition des conseils concernés, qui ont pu prendre connaissance des déclarations faites par les témoins dans le délai prescrit par la loi ;
Considérant qu’aucune preuve de la violation de l’article 105 n’ayant été rapportée par la défense, le prévenu Karim Meïssa WADE ayant reconnu lui-même dans la déclaration qu’il a faite devant la Commission d’instruction le 03 avril 2014 que ses «avocats consultent le dossier tous les jours depuis un an», il y a lieu de rejeter la demande de nullité de la procédure fondée sur l’article 105 du CPP ;
Sur la violation de l’article 178 du Code de Procédure Pénale
Considérant qu’en vertu des dispositions de l’article 178 du code de procédure pénale, les ordonnances rendues par le juge d’instruction indiquent la qualification légale du fait imputé à l’inculpé et, de façon précise, les motifs pour lesquels il existe ou non contre lui des charges suffisantes ;
Considérant qu’il ressort de la lecture de l’arrêt de renvoi notamment des pages cotées D1540/1 et D1540/2, que la Commission d’Instruction a respecté les dispositions de l’article 178 précité en identifiant les prévenus auxquels elle a indiqué clairement les qualifications légales des faits qui leur sont reprochés ainsi qu’il suit :
« Attendu qu’il résulte ainsi de l’information charges suffisantes contre :
1) Karim Meïssa Wade de s’être à Dakar, de 2000 à 2012, en tout cas avant prescription de l’action publique, étant titulaire d’une fonction gouvernementale ou de tout autre mandat public, notamment conseiller du président de la République, président du Conseil de surveillance de l’Agence Nationale d’Organisation de la Conférence Islamique (ANOCI) et Ministre de la République, enrichi d’un patrimoine estimé provisoirement à la somme de cent dix sept milliards trente sept millions neuf cent quatre vingt treize mille cent soixante quinze francs (117.037.993.175) francs CFA, sous réserve des biens et sociétés qui n’ont pas encore été évalués ou qui sont en cours de l’être et, d’avoir été dans l’impossibilité d’en justifier l’origine licite ;
D’avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, étant citoyen chargé d’un ministère de service public, dirigeant ou agent de toute nature d’un établissement public, sollicité ou agréé des offres ou promesses, sollicité ou reçu des dons ou présents pour faire ou s’abstenir de faire un acte de ses fonctions ou de son emploi, juste ou non, mais non sujet à salaire ;
2) Ibrahim ABOUKHALIL dit Bibo Bourgi : d’avoir à Dakar, de 2000 à 2012, en tout cas avant prescription de l’action publique, avec connaissance, aidé ou assisté le nommé Karim Meïssa WADE, dans la préparation, la facilitation ou la consommation des faits d’enrichissement illicite qui lui sont reprochés ;
3) Mamadou POUYE : d’avoir à Dakar, de 2000 à 2012, en tout cas avant prescription de l’action publique, avec connaissance, aidé ou assisté le nommé Karim Meïssa WADE, dans la préparation, la facilitation ou la consommation des faits d’enrichissement illicite qui lui sont reprochés ;
4) Karim ABOUKHALIL : d’avoir à Dakar, de 2000 à 2012, en tout cas avant prescription de l’action publique, avec connaissance, aidé ou assisté le nommé Karim Meïssa WADE, dans la préparation, la facilitation ou la consommation des faits d’enrichissement illicite qui lui sont reprochés ;
5) Pierre Goudjo AGBOGBA : d’avoir à Dakar, de 2000 à 2012, en tout cas avant prescription de l’action publique, avec connaissance, aidé ou assisté le nommé Karim Meïssa WADE, dans la préparation, la facilitation ou la consommation des faits d’enrichissement illicite qui lui sont reprochés ;
6) Alioune Samba DIASSE : d’avoir à Dakar, de 2000 à 2012, en tout cas avant prescription de l’action publique, avec connaissance, aidé ou assisté le nommé Karim Meïssa WADE, dans la préparation, la facilitation ou la consommation des faits d’enrichissement illicite qui lui sont reprochés ;
7) Mbaye NDIAYE : d’avoir à Dakar, de 2000 à 2012, en tout cas avant prescription de l’action publique, avec connaissance, aidé ou assisté le nommé Karim Meïssa WADE, dans la préparation, la facilitation ou la consommation des faits d’enrichissement illicite qui lui sont reprochés ;
8) Mamadou AIDARA dit Vieux : d’avoir à Dakar, de 2000 à 2012, en tout cas avant prescription de l’action publique, avec connaissance, aidé ou assisté le nommé Karim Meïssa WADE, dans la préparation, la facilitation ou la consommation des faits d’enrichissement illicite qui lui sont reprochés ;
9) Evelyne RIOUT DELATRE : d’avoir à Dakar, de 2000 à 2012, en tout cas avant prescription de l’action publique, avec connaissance, aidé ou assisté le nommé Karim Meïssa WADE, dans la préparation, la facilitation ou la consommation des faits d’enrichissement illicite qui lui sont reprochés ;
10) Mballo THIAM : d’avoir à Dakar, de 2000 à 2012, en tout cas avant prescription de l’action publique, avec connaissance, aidé ou assisté le nommé Karim Meïssa WADE, dans la préparation, la facilitation ou la consommation des faits d’enrichissement illicite qui lui sont reprochés » ;
Considérant que la Commission d’instruction a également exposé, aux pages cotées D1540/3 à D1540/17, de façon précise, les motifs pour lesquels il existe ou non des charges suffisantes contre les prévenus, motifs qui justifient, aux termes du dispositif, le renvoi de ceux-ci devant la Cour de céans ;
Que les charges retenues contre les prévenus étant ainsi suffisamment et clairement détaillées dans l’arrêt de renvoi, ceux-ci peuvent organiser valablement leur défense en toute connaissance de cause ;
Que dès lors le moyen tiré de la violation des dispositions de l’article 178 du CPP est inopérant ;
Sur la violation de l’article 10 de la loi 81-54 du 10 Juillet 1981 sur la CREI
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que les prévenus poursuivis suite au réquisitoire introductif du parquet spécial pris le 17 avril 2013 ont été inculpés le même jour ;
Que le 16 octobre 2013 suite à un réquisitoire en date du 14 octobre 2013, ils ont de nouveau été inculpés pour enrichissement illicite corruption, et complicité d’enrichissement illicite ;
Considérant qu’avant la première inculpation des prévenus, l’un de ceux-ci, Ibrahim ABOUKHALIL, poursuivi pour complicité d’enrichissement illicite de Karim Meïssa WADE, ayant reconnu détenir un compte personnel à Monaco lors de l’enquête préliminaire, le ministère public avait envoyé une demande d’entraide pénale internationale aux autorités judicaires monégasques ;
Considérant que la réponse à ladite demande a fait état de l’existence de trente comptes bancaires ayant un lien direct avec les inculpés Ibrahim ABOUKHALIL, Karim ABOUKHALIL, Karim Meïssa WADE et Mamadou POUYE ;
Considérant que dans la première mise en demeure adressée à Karim Meïssa WADE le 15 mars 2013, n’est visé que le compte de l’ING Baring Bank de Monaco dans lequel aurait été viré 4.014.413 dollars américains ;
Considérant que des faits nouveaux non visés dans le réquisitoire du 17 avril 2013 ayant été portés à la connaissance du ministère public, celui-ci après une nouvelle mise en demeure adressée à Karim M WADE, a saisi la Commission d’instruction d’un nouveau réquisitoire daté du 14 octobre 2013 ;
Considérant que celle-ci a inculpé Karim Meïssa WADE, Ibrahim ABOUKHALIL et Mamadou POUYE le 16 octobre 2013 et requis, en menant son information suite à cette nouvelle inculpation, par Commission rogatoire internationale, les autorités judiciaires de Monaco ;
Considérant qu’après avoir constaté que les deux procédures dont elle a été saisie, présentent un lien de connexité certain, elle a ordonné leur jonction, conformément aux dispositions des articles 375 et 196 du Code de Procédure Pénale ;
Considérant que la nouvelle procédure qui s’est déroulée du 16 octobre 2013 au 16 avril 2014, n’a pas, tout comme la première procédure, duré plus six 06 mois ;
Que par conséquent, le délai prévu l’article 10 de la loi 81-54 du 10 Juillet 1981 ayant été respecté au cours des deux procédures qui ont été jointes, aucune disposition dudit article n’a été violé ;
Considérant qu’en ce qui concerne M’baye N’DIAYE, il soutient n’avoir été ni inculpé une deuxième fois, ni interrogé au cours de la seconde information et demande l’annulation de toute la procédure pour violation de l’article 10 de la loi 81-54 du 10 Juillet 1981 précité ;
Considérant que le prévenu en question ayant été inculpé le 17 Avril 2013 et placé sous mandat de dépôt, interrogé le 09 Octobre 2013 et mis en liberté auparavant le 18 Juin 2013, à la suite d’un nouveau réquisitoire du ministère public demandant une nouvelle inculpation pour d’autres prévenus que lui, dans une autre procédure qui sera finalement jointe à celle le concernant, ne peut prétendre, puisque aucun acte d’information n’a été mené contre lui lors de la seconde procédure, que l’information a duré plus de six mois à son encontre ;
Considérant qu’ayant été mis en liberté provisoire au bout des six mois qu’a duré la première procédure, il n’a subi aucun préjudice ;
Considérant qu’en vertu des dispositions de l’article 12 de la loi 81/54, la procédure d’instruction est clôturée par un arrêt de non-lieu ou de renvoi qui saisit la CREI ;
Considérant que la Commission d’instruction est tenue de prendre l’un des arrêts précités pour clôturer son information, qu’elle ait ou non respecté le délai prévu par l’article 10 de la loi 81-54 du 10 Juillet 1981 ;
Qu’au demeurant le respect ou non dudit délai n’est assorti d’aucune sanction ;
Que seules pourraient éventuellement s’appliquer en l’espèce les dispositions de l’article 755 bis du CPP qui prévoient que l’inobservation par tout magistrat, greffier en chef, greffier ou secrétaire, des délais et formalités prévus par le CPP constituent une faute entrainant des sanctions disciplinaires prévues par les statuts particuliers ;
Qu’il y a lieu de rejeter, au vu de tout ce qui précède, l’exception de nullité de la procédure fondée sur la violation de l’article 10 de la loi 81-54 du 10 Juillet 1981 ;
Sur la nullité tirée de la désignation des experts et des administrateurs provisoires
Considérant qu’il résulte des pièces du dossier, que toutes les ordonnances de même que les rapports d’expertise ont tous été notifiés aux parties et notamment à la défense conformément aux articles 153 et 161 du CPP ;
Qu’il y a lieu de rejeter la demande de nullité tirée du défaut de notification des ordonnances de désignation et des rapports d’expertise ; (VOIR PIECES COTEES POUR LES RAJOUTER)
Considérant qu’en vertu des dispositions de l’article 87 bis du CPP «lorsqu’il est saisi d’un dossier d’information, le juge d’information peut d’office ou sur la demande de la partie civile ou du ministère public, ordonner des mesures conservatoires sur les biens de l’inculpé» ;
Considérant que s’il est vrai que la société commerciale, qui acquiert la personnalité juridique, et dispose par conséquent d’un patrimoine distinct de celui de ses actionnaires ou associés dès son immatriculation au registre du commerce et du crédit mobilier, conformément à l’article 98 de l’Acte uniforme portant droit commercial général, ne peut être considérée comme un bien, il n’en demeure pas moins que si pour s’enrichir illicitement la personne poursuivie a utilisé des sociétés dont elle est le principal actionnaire ou le bénéficiaire économique, celles-ci, qui ne peuvent être poursuivies pour complicité en l’état actuel de la législation sénégalaise, peuvent être placées sous-main de justice et administrés provisoirement par d’autres personnes ;
Qu’en effet le juge d’instruction ne peut laisser un inculpé poursuivi pour enrichissement illicite gérer ou faire gérer par des prête-noms ou des hommes de paille des sociétés qui lui permettent de continuer à s’enrichir illicitement ;
Que c’est par conséquent à bon droit que la Commission d’instruction, en se fondant sur les dispositions des articles 72 et 87 bis du CPP, a mis sous administration provisoire les sociétés AHS, ABS, AN MEDIA, HARDSTAND et BLACK PEARL FINANCE ;
Qu’il y a lieu, au vu de ce qui précède, de rejeter la demande de nullité des actes désignant des administrateurs provisoires ; (A REVOIR POUR PARFAIRE)
Sur le sursis à statuer
Considérant que la CREI a déjà statué sur la demande de sursis à statuer et l’a rejetée par arrêt n°04 en date du 20 Août 2014 ;
Considérant que la défense aurait du demander la réouverture des débats avant le prononcé de l’arrêt précité pour pouvoir plaider des moyens et des arguments nouveaux ;
Qu’une fois le délibéré vidé, la Cour est dessaisie de la demande de sursis à statuer et ne peut plus examiner d’autres moyens ou arguments développés par les parties ;
Que c’est par conséquent à bon droit, que la Cour de céans a décidé de ne pas se prononcer sur la nouvelle demande de sursis à statuer et a poursuivi son audience en attendant que la Cour Suprême saisie par pourvoi en date du xx/xx/xxxx se prononce sur l’arrêt déjà rendu ;
Sur la nullité des actes accomplis par le Substitut du Procureur Spécial
Considérant qu’il ressort de l’arrêt rendu le 26 Septembre 2013 par la Cour Suprême, que tout en annulant l’acte de nomination de Antoine DIOME, en qualité de substitut du procureur spécial de la CREI, ladite Cour a souverainement décidé d’écarter l’effet rétroactif de sa décision ;
Qu’elle en a suspendu les effets à un (1) mois ;
Que dans ce délai un nouveau décret de nomination respectant les conditions posées par la loi 81-54 du 10 Juillet 1981 a été pris ;
Considérant que la défense n’a pas rapporté par ailleurs la preuve que le substitut DIOME a pris des actes d’enquête ou de poursuite antérieurement à la décision d’annulation de sa nomination, la demande d’enquête préliminaire, la mise en demeure, le réquisitoire introductif et les autres actes figurant au dossier ayant tous été signés par le procureur spécial Alioune NDAO ;
Qu’il y a lieu au vu de ce qui précède, de rejeter la demande de nullité de la procédure fondée sur de supposés actes accomplis par le substitut du procureur spécial ;
Sur la deuxième mise en demeure et le réquisitoire du 14 Octobre 2013
Considérant que le code de procédure pénale (CPP) dispose en son article 71 alinéa premier que «le juge d’instruction ne peut informer qu’en vertu d’un réquisitoire du Procureur de la République, même s’il a procédé en cas de crime ou de délit flagrant» ;
Que l’alinéa 6 du même article ajoute que «lorsque des faits, non visés au réquisitoire, sont portés à la connaissance du juge d’instruction, celui-ci doit immédiatement communiquer au Procureur de la République les plaintes ou les procès verbaux qui les constatent» ;
Qu’il résulte de ces dispositions, que le juge d’instruction, saisi in rem, ne peut instruire que sur les faits visés dans le réquisitoire du Procureur de la République et qu’en cas de survenance de faits nouveaux, il appartient à ce dernier soit de délivrer un réquisitoire supplétif aux fins d’étendre la saisine du juge d’instruction, soit de requérir l’ouverture d’une information distincte qui peut être confiée au même juge, soit d’ouvrir une enquête ou même décider d’un classement sans suite, le tout en application des dispositions de l’article 32 du CPP ;
Qu’en l’espèce, les faits visés dans le réquisitoire du 14 Octobre 2013 sont différents de ceux évoqués dans le réquisitoire introductif du 17 Avril 2013, l’existence des comptes de Monaco visés dans la seconde mise en demeure adressée à Karim Meïssa WADE et dans le nouveau réquisitoire en date du 14 Octobre 2013 n’ayant été découverts qu’après la première saisine de la commission d’instruction ;
Que le respect des dispositions des articles 163 bis du Code Pénal (CP) et 3 de la loi 81-53 du 10 Juillet 1981 exigeant qu’une mise en demeure soit servie aux personnes poursuivies pour enrichissement illicite, pour leur permettre dans le délai d’un mois de s’expliquer en prouvant l’origine licite de leur fortune, la commission d’instruction ne saurait instruire directement sur les faits nouveaux, sans le respect de ce préalable, ce qu’aurait pour effet un réquisitoire supplétif dans le cas d’espèce ;
Qu’ainsi le choix d’un nouveau réquisitoire pour faire instruire sur les faits nouveaux, ne violant aucune disposition pénale justifiant son annulation, il y a lieu de rejeter l’exception y relative comme mal fondée ;
SUR L’ACTION PUBLIQUE
En ce qui concerne Karim Meïssa WADE
Considérant qu’il est constant comme résultant des pièces du dossier et notamment des différents décrets et arrêtés produits par les conseils de la partie civile que le prévenu Karim Meïssa WADE, a de 2002 à 2012, occupé successivement les fonctions de Conseiller personnel du Président de la République du Sénégal, de Président de l’Agence de l’OCI et de Ministre d’Etat ;
Considérant qu’aux termes de l’article 163 bis alinéa premier du Code Pénal :
«L’enrichissement illicite de tout titulaire d’un mandant public électif ou d’une fonction gouvernementale, de tout magistrat, agent civil ou militaire de l’Etat, ou d’une collectivité publique, d’une personne revêtue d’un mandat public, d’un dépositaire public ou d’un officier public ou ministériel, d’un dirigeant ou d’un agent de toute nature des établissements publics, des sociétés nationales, des sociétés d’économie mixte soumises de plein droit au contrôle de l’Etat, des personnes morales de droit privé bénéficiant du concours financier de la puissance publique, des ordres professionnels, des organismes privés chargés de exécution d’un service public, des associations ou fondations reconnues d’utilité publique, est puni d’un emprisonnement de cinq à dix ans et d’une amende au moins égale au montant de l’enrichissement et pouvant être portée au double de ce montant…» ;
Considérant que Karim WADE ayant été titulaire d’une fonction gouvernementale et ayant été agent civil de l’Etat sénégalais de 2002 à 2012, la loi sur l’enrichissement illicite citée ci-dessus lui est, par conséquent, applicable ;
Considérant qu’il n’est pas discuté que pendant toute la période précitée, le prévenu a perçu des revenus légaux dont le montant cumulé s’élève, à la somme de cinq cent quatre (504 000 000) millions de francs CFA ;
Considérant qu’entendu pour la première fois le 15 novembre 2012 par les agents enquêteurs, Karim Meïssa WADE affirmait que son patrimoine était, avant 2000, sans compter les biens immobiliers dont il était propriétaire, de huit milliards de francs CFA (8.000.000.000 frs) ;
Qu’il expliquait que la somme précitée provenait de son patrimoine immobilier, de ses activités bancaires et d’autres activités économiques parallèles exercés dans le secteur même ;
Considérant que réentendu le 22 novembre 2012 et le 20 décembre 2012, Karim Meïssa WADE qui avait promis de communiquer toutes les informations nécessaires sur ses revenus professionnels et ceux provenant de ses autres activités après avoir consulté ses conseillers juridiques, n’a jusqu’au moment de sa mise en demeure intervenue le 15 mars 20013, mis aucun document à la disposition des enquêteurs ;
Considérant que le prévenu a eu de novembre 2012, date de sa première audition à l’enquête préliminaire, à avril 2013 date de la fin de la mise en demeure qui lui a été adressée par le procureur spécial prés la CREI, soit plus de cinq (05) mois, pour consulter ses conseillers financiers, fiscaux, juridiques et autres pour fournir les informations qui lui étaient demandées et produire toutes les pièces justificatives attestant de l’origine licite du patrimoine qu’il prétendait avoir avant et après l’année 2000 ;
Que n’ayant produit aucun document, notamment ses attestations de revenus et ses déclarations fiscales au Sénégal comme à l’étranger prouvant qu’il disposait d’un patrimoine d’un montant de huit (08) milliards avant l’année 2000, il a, pour la première fois devant les Juges de la Commission d’Instruction de la Cour de Répression de l’Enrichissement Illicite (CREI), lors de son interrogatoire au fonds, soutenu qu’il s’agissait de déclarations politiques, explications qu’il n’a jamais fournies aux agents enquêteurs qui l’ont pourtant entendu à plusieurs reprises ;
Considérant que ces explications données à postériori ne sauraient suffire pour attester de l’existence d’un patrimoine s’élevant à huit (08) milliards avant l’année 2000 et prouvent au contraire que le patrimoine de Karim M WADE ne s’élevait pas à un tel montant à ce moment-là ;
Qu’il n’a pu apporter la preuve qu’il disposait d’un patrimoine immobilier dont il tirait des revenus avant l’année 2000, les immeubles dont il doit justifier l’origine dans la présente procédure ayant tous été mis à son nom après l’année 2002 ;
Qu’il n’a pu justifier de l’existence de revenus provenant de ses activités économiques parallèles ou professionnelles ;
Qu’il échet, dans ces conditions, puisque les déclarations concernant l’existence d’un patrimoine de 8 milliards de francs avant 2000 ne sont que de simples déclarations politiques, de retenir les revenus légaux s’élevant à la somme de cinq cent millions de francs perçus par le prévenu à titre de salaires, d’indemnités et autres de 2002 à 2012, comme montant du patrimoine licite de celui-ci pendant ladite période, aucune preuve n’ayant été apportée de l’existence d’un patrimoine licitement acquis supérieur à la dite somme ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier notamment de relevés de comptes émanant de la Société Générale de Banques au Sénégal dite SGBS et la Compagnie Bancaire de l’Afrique de l’Ouest dite CBAO, qu’un versement cumulé a été effectué entre 2008 et 2012 dans les deux (02) comptes ouverts par Karim Meïssa de neuf cent dix millions deux cent trente huit mille (910 238 000) de francs hors revenus légaux WADE dans les banques précitées notamment par son garde du corps Victor KANTOUSSAN et son chauffeur Victor TENDENG ;
Considérant que l’affirmation de Karim Meïssa WADE, selon laquelle les sommes précitées versées en espèces dans ses comptes, lui ont été remises directement ou indirectement par son père, l’ancien Président de la République du Sénégal pour prendre en charge un certain nombre de dépenses familiales ne suffit pas, en vertu des dispositions de l’article 163 bis alinéa 4 du code pénal à justifier de l’origine licite des dites sommes ;
Qu’il est pour le moins étonnant qu’un chef de l’Etat dont les dépenses familiales sont normalement prises en charge par l’Etat verse en espèces à son fils, ministre d’Etat dont certaines dépenses sont également prises en charge et qui voyage aux frais de l’Etat dans un jet privé d’après les pièces du dossier, des sommes cumulées d’un montant de neuf cent dix millions francs rien que pour prendre en charge de supposées dépenses familiales qui n’ont de toute façon pas été détaillées et dont l’effectivité n’est pas établie ;
Considérant que les sommes d’argent trouvées dans un compte appartiennent, jusqu’à preuve du contraire, au titulaire du dit compte ;
Qu’en l’espèce, au vu du mode d’alimentation des comptes par des versements en espèces, du montant des sommes versées, des personnes qui ont procédé au versement et qui dépendent directement de Karim M. WADE, la Cour de céans ne peut se satisfaire des explications fournies par celui-ci sur l’origine des sommes d’argent versées dans ses comptes ouverts à la SGBS et à la CBAO ;
Qu’une simple libéralité ne suffisant pas encore une fois à servir de justification, il y a lieu, au vu de ce tout qui précède, de dire et de juger que Karim Meïssa WADE n’a pu justifier de l’origine licite de la somme de neuf cent dix millions deux cent trente huit mille (910 238 000) francs ne faisant pas partie de ses revenus légaux versés en espèces dans ses comptes de la SGBS et de la CBAO et présumés lui appartenir ;
Considérant que prié de dire lors de l’enquête s’il disposait d’un compte bancaire à Monaco, Karim Meïssa WADE a demandé aux enquêteurs de lui montrer les documents le prouvant ;
Que dans la réponse à la mise en demeure qui lui a été adressée, il ne parle d’aucun compte à Monaco ;
Considérant que c’est seulement devant la Commission d’Instruction et après le retour de la demande d’entraide internationale adressée par le procureur spécial, aux autorités judiciaires monégasques établissant que les prévenus ont des comptes à Monaco, qu’il a reconnu détenir un compte dont le solde s’élève à un milliard trois millions (1.003.000.000) de francs à la banque Julius Baër de Monaco ;
Considérant que Karim Meïssa WADE n’a pas apporté la preuve que ladite somme déposée dans son compte à Monaco provient comme il le déclare d’un don fait à son père, l’ancien Président de la République, Abdoulaye WADE, par un des ses amis, chef d’Etat d’un pays arabe ;
Considérant que non seulement l’ancien Chef d’Etat, qui a adressé une attestation à la Cour de céans pour certifier avoir versé de l’argent dans le compte de son fils, n’a pas rapporté la preuve de la réalité du don évoqué ci-dessus mais en plus un Président de la République n’a pas à verser dans le compte de son fils de l’argent qui lui a été offert par un autre chef d’Etat et qui, normalement devait être reversé au Trésor Public ;
Qu’au surplus il doit normalement disposer de comptes bancaires personnels où verser de l’argent supposé lui appartenir, que cet argent lui ait été offert ou non ;
Que l’argument selon lequel c’est lui le père de Karim qui a encore et toujours versé de l’argent dans les différents comptes bancaires de son fils et souvent en espèces sans par ailleurs détenir le moindre reçu de versement ou sans que son nom n’apparaisse nulle part dans les relevés de compte produits aux débats, ne saurait prospérer ;
Que le fait de reconnaître avoir crédité le compte de son fils de sommes d’argent qui lui auraient été offerts en sa qualité de chef d’état ne permet pas d’établir la licéité de la provenance desdites sommes ce d’autant plus que le don allégué n’a pas été prouvé ni l’identité précise des supposés donateurs révélée ;
Considérant qu’il appert des documents, en l’occurrence des relevés de comptes reçu à la CREI, à la suite de l’exécution de la commission rogatoire adressée aux autorités judiciaires monégasques par la Commission d’Instruction de la dite Cour que Karim WADE est titulaire d’un compte n°5102960 ouvert dans les livres de la Julius Baer à Monaco ;
Qu’il s’agit d’un compte dormant puisqu’aucune opération de retrait n’a eu à y être effectué depuis son ouverture et dans lequel des personnes non identifiées ont eu à verser au total la somme d’un milliard trois cent vingt neuf millions neuf cent soixante sept mille six cent soixante quinze francs (1 329 967 675 frs) ;
Considérant que le titulaire du compte précité, Karim WADE est présumé, jusqu’à preuve du contraire, être propriétaire de la dite somme ;
Considérant qu’il lui appartenait, sans invoquer une fois de plus une libéralité de son père, qui de toute façon n’a pas été établie, de justifier de l’origine licite des sommes contenues dans son compte en établissant qu’elles appartiennent à quelqu’un d’autre ou proviennent de ressources légales ;
Que cette double preuve n’ayant pas été rapportée, il y a lieu de dire et de juger que cette somme est d’origine illicite par application des dispositions de l’article 163bis du code pénal ou/et de la loi 81-53 du 10 Juillet 1981 ;
Considérant qu’il résulte des cartes grises versés au dossier et des déclarations de Karim Meïssa WADE dans sa réponse à la mise en demeure qui lui a été adressée et quand il a bien voulu parler, qu’il est le propriétaire des véhicules suivants :
un véhicule de marque PORSCHE CAYENNE immatriculé DK3600AC
un véhicule BMW série 5 immatriculé DK0680X
un véhicule GMC DENALI immatriculé DK1872AN
un véhicule GMC DENALI immatriculé DK1873AN
un véhicule GMC DENALI immatriculé DK1874AN
un véhicule de marque Ford Pick Up immatriculé DK8679S;
Considérant que l’origine licite des éléments du patrimoine du prévenu cités ci-dessus n’a pas été établie ;
Qu’en effet il ne suffit pas de soutenir, comme l’a fait Karim WADE sans d’ailleurs en rapporter la preuve, que les véhicules de type BMW et de marque Porsche lui ont été offert par deux (02) chefs d’Etat étrangers et que les trois (03) véhicules GMC DENAH et la FORD RANGER ont été acquis par son père, l’ancien Président de la République et immatriculés à son nom ;
Considérant qu’il ne produit aucun acte de vente ou une quelconque attestation des ou du vendeur établissant que trois des véhicules immatriculés à son nom ont été achetés par son père ;
Que c’eût été le cas, encore aurait-il fallu, sans parler encore une fois de don, qu’il explique comment et pourquoi les véhicules acquis par son père, ont été immatriculés à son nom, faisant de lui jusqu’à preuve du contraire, leur propriétaire ;
Considérant qu’il n’a produit aucun document pour prouver, comme il l’affirme, que deux des véhicules lui ont été offerts par des chefs d’Etat étrangers ;
Que cette preuve aurait été faite, qu’elle n’aurait pas suffi pour justifier de l’origine licite de ces véhicules, la simple libéralité étant exclue par la loi sur l‘enrichissement illicite pour servir de justification ;
Qu’il n’appartient pas au procureur spécial, comme Karim WADE le lui a demandé dans sa réponse à la mise en demeure qui lui a été adressée, de réclamer à des chefs d’Etat étrangers des attestations prouvant qu’ils ont effectivement offert des véhicules à un citoyen sénégalais ;
Qu’un tel citoyen qui a la possibilité de bénéficier de libéralités très coûteuses de chefs d’Etat étrangers ne devrait normalement avoir aucune difficulté pour obtenir de ceux-ci des documents attestant de cette libéralité, surtout que lorsqu’il s’agit de voitures de luxe, les vendeurs détiennent forcément les noms de ceux qui les ont payées même si les dites voitures ne sont pas mises à leurs noms ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que Karim Meïssa WADE n’a pas rapporté la preuve qu’il a acquis licitement les véhicules immatriculés à son nom et qui font partie intégrante de son patrimoine ;
Considérant que Karim Meïssa WADE conteste dans sa réponse à la mise en demeure l’évaluation de ses véhicules ;
Qu’il a produit au dossier un rapport d’expertise dressé par le cabinet d’Expertise Automobile Industrie NDIAGA DIAW, expert judiciaire agréé ;
Que le mode d’évaluation, lors de l’enquête préliminaire et de l’information, de la valeur des véhicules immatriculés au nom de Karim WADE n’ayant pas été précisé, il y a lieu, en se fondant sur les conclusions du rapport précité de fixer la valeur neuve des véhicules immatriculés au nom de Karim WADE à 263.622.250 francs CFA ;
Qu’il y a lieu de retenir ledit montant, comme élément du patrimoine de Karim WADE, les sommes devant être justifiées étant celles qui ont été utilisées pour acheter les véhicules précités et non celles qui constituent la valeur actuelle desdits véhicules qui n’a pas, de toute façon, été déterminée, au vu des pièces du dossier, avec certitude, les véhicules de luxe prenant, souvent davantage de valeur avec le temps ;
Considérant qu’il ressort des pièces d’exécution adressées aux autorités judiciaires françaises et luxembourgeoises que Karim Meïssa WADE est titulaire d’un compte bancaire avec un solde créditeur de la somme de 73 467,26 euros à la société générale, agence Paris Madeleine 11, boulevard Malesherbes 75008 Paris et qu’il a souscrit le 13 décembre 2002 auprès de la compagnie d’assurance SOGELIFE établie au n° 11-13, L 1528 Luxembourg une assurance-vie pour un montant de 842 923,81 dollars US ;
Considérant qu’il n’a pas rapporté la preuve de l’origine licite des sommes contenues dans son compte précité, ni de celles qui lui ont permis de souscrire une assurance-vie ;
Considérant que les autorités luxembourgeoises ayant gelé le montant de l’assurance-vie souscrite par Karim Meïssa WADE à la demande du procureur spécial de la CREI, le prévenu a en vain essayé d’obtenir la main levée des sommes saisies ;
Considérant qu’il ressort des pièces versées au dossier notamment, des décisions rendues par les juridictions luxembourgeoises que le Tribunal de Première Instance ayant déclaré irrecevable sa demande de main levée, Karim Meïssa WADE a fait appel de ladite décision devant la Cour d’Appel luxembourgeoise qui après avoir déclaré recevable sa requête, l’a débouté de celle-ci ;
Considérant que le prévenu a soutenu sans en rapporter la moindre preuve que les fonds ayant servi à souscrire une assurance vie proviennent de la vente d’un appartement dont il ne précise ni l’emplacement, ni le mode d’acquisition, ni la valeur ;
Qu’il ne produit aucun acte de vente pour étayer ses dires ;
Qu’il résulte de ce qui précède que Karim WADE n’a pu justifier de l’origine licite des fonds lui ayant servi à souscrire une assurance vie d’un montant de 842.923 dollars US soit 421.461.500 Francs CFA ;
Considérant qu’en ce qui concerne la somme de 73.467 euros soit 48.169.323 francs CFA trouvés dans le compte ouvert à la Société Générale à Paris par Karim WADE, celui-ci n’a fourni aucune explication sur l’origine de la dite somme alors qu’il lui revenait d’assurer la traçabilité des ressources ayant servi à alimenter le compte précité ;
Considérant qu’il y a lieu, au vu de tout ce qui précède, la preuve de l’origine licite des éléments de patrimoine découvert à Paris et au Luxembourg n’ayant pu être rapportée, de dire et de juger que la licéité de l’origine des dits éléments de patrimoine n’a pas été établie ;
Considérant qu’il ressort des pièces d’exécutions de la Commission Rogatoire Internationale envoyée aux autorités judiciaires françaises par la Commission d’Instruction de la CREI, qu’à l’issue d’une perquisition effectuée dans le coffre fort détenu par Karim Meïssa WADE à la société générale, Agence Paris Madeleine les objets suivants ont été découverts :
Une boîte violette et sur emballage de marque Boucheron contenant un bracelet serti de pierres
Un étui bleu contenant une paire de boucles d’oreilles serties de pierres
Une boite orange de marque Tod’s contenant une montre de femme Jaeger ainsi qu’une parure bracelet et boucles d’oreilles en métal blanc
Un étui cylindrique en cuir marron contenant une montre pour homme de marque Patek Philippe et une autre de marque Van Der Bauwede
Une boîte de marque Patek Philippe contenant une montre de la même marque
Un étui cylindrique en cuir noir contenant une montre pour homme de marque Radiomire Panerai, une montre homme de marque Liminor automatique, Panerai automatique, et une autre de marque Frank Miller
Une boîte Cartier rouge contenant une montre femme Rolex en métal jaune, une autre de marque Vacheron Constantin en métal blanc, une bague en métal argentée sertie de pierres, une bague de marque Dina Van et son étui en métal argenté sertie de pierres représentée par deux anneaux entrelacés ;
Considérant qu’après avoir refusé de répondre au cours de l’information aux questions qui lui ont été posées sur la propriété et la provenance de ces objets, saisis et placés sous scellés, Karim Meïssa WADE, lors de l’ouverture des scellés par la Cour de céans, a reconnu, comme en fait foi le procès-verbal d’ouverture des scellés dressé le 19 décembre 2014, que certains objets lui appartenaient, alors que d’autres étaient la propriété de sa défunte épouse et ont été légué à ses enfants mineurs ;
Considérant qu’en matière de meuble, possession valant titre les bijoux qui ont été trouvés dans le coffre-fort de Karim sont présumés lui appartenir ;
Considérant qu’il y a lieu, cependant, dans le cas d’espèce, de tenir compte de la nature des bijoux découverts dont certains tels que la parure bracelet, ou les boucles d’oreilles, sont manifestement des bijoux de femme ;
Qu’il échet, en accordant le bénéfice de la bonne foi au prévenu qui ne s’est exprimé devant la Cour de céans que sur la propriété de ces bijoux et sur le compte de Singapour qui lui a été faussement imputé d’après lui, de distraire au profit de ses filles mineures les bijoux présumés appartenir à sa défunte femme et dont la liste suit :
Une boîte violette et sur emballage de marque Boucheron contenant un bracelet serti de pierres
Un étui bleu contenant une paire de boucles d’oreilles serties de pierres
Une boite orange de marque Tod’s contenant une montre de femme Jaeger ainsi qu’une parure bracelet et boucles d’oreilles en métal blanc
Une boîte Cartier rouge contenant une montre femme Rolex en métal jaune, une autre de marque Vacheron Constantin en métal blanc, une bague en métal argentée sertie de pierres, une bague de marque Dinh Van et son étui en métal argenté sertie de pierres représentée par deux anneaux entrelacés ;
Considérant qu’en ce qui concerne les bijoux qu’il reconnait lui appartenir, Karim WADE n’a donné aucun renseignement ni sur leur mode d’acquisition, ni sur les moyens ayant permis de les acquérir et n’a par conséquent pas pu justifier de leur provenance licite ;
Qu’il y a lieu, dans ces conditions, de compter parmi les éléments de son patrimoine acquis de façon illicite ou avec des moyens illicites les bijoux suivants :
Un étui cylindrique en cuir marron contenant une montre pour homme de marque Patek Philippe et une autre de marque Van Der Bauwede
Une boîte de marque Patek Philippe contenant une montre de la même marque
Un étui cylindrique en cuir noir contenant une montre pour homme de marque Radiomire Panerai, une montre homme de marque Liminor automatique, Panarai automatique, et une autre de marque Frank Miller ;
Considérant que Karim WADE a reconnu lors de l‘enquête préliminaire dans sa réponse à la mise en demeure qui lui a été adressée et devant les magistrats instructeurs être propriétaire d’un immeuble de quatre étages situé à la Sicap rue 10, d’un terrain au Point E, de deux autres terrains situé à Kébémer et à Touba et enfin d’un appartement à Paris à la rue de la Faisanderie dans le 16ème arrondissement ;
Qu’il a produit des attestations de son père l’ancien président de la République Abdoulaye WADE certifiant que le terrain et les constructions de l’immeuble de quatre étages de la Sicap rue 10 destinés au logement de son personnel, ainsi que les terrains acquis au point E ont été entièrement financés par celui-ci et que tous ces immeubles ont été mis au nom de Karim WADE dans le cadre d’un partage d’ascendant ;
Considérant encore une fois que le prévenu n’apporte aucunement la preuve qu’il a acquis avec ses revenus légaux des biens faisant partie de son patrimoine, comme en font foi les titres fonciers versés au dossier ;
Qu’encore une fois il soutient que les dits biens lui ont été légués par son père cette fois-ci dans le cadre d’un partage d’ascendant ;
Qu’encore une fois, il y a lieu de lui opposer les dispositions de l’article 163 bis alinéa 4 du code pénal qui disposent que la seule preuve d’une simple libéralité ne suffit pas à justifier de l’origine licite des éléments d’un patrimoine ;
Qu’au demeurant le prévenu n’a produit aucun document prouvant que les immeubles immatriculés à son nom l’étaient auparavant au nom de son père et ce n’est qu’après le partage d’ascendant invoqué mais non prouvé, par la production d’acte notarié le constatant, que les immeubles ont été mutés à son nom ;
Considérant qu’il résulte des pièces du dossier que le terrain de Kébémer a été attribué à Karim WADE par le conseil municipal de ladite localité ;
Que celui de Touba lui a été donné par feu Serigne Saliou M’BACKE ;
Considérant qu’il n’est pas établi que le prévenu a eu à effectuer des investissements sur les deux terrains précités dont le mode d’acquisition est connu ;
Qu’il échet, la preuve que des moyens illicites ont été utilisés soit pour les acquérir soit pour les mettre en valeur, n’ayant pas été rapportée, de ne pas les inclure dans les éléments de patrimoine acquis illicitement par Karim WADE ;
Considérant que Karim WADE reconnaît dans sa réponse à la mise en demeure qui lui a été adressée par le procureur spécial prés la CREI, être le propriétaire d’un appartement sis à la rue de la Faisanderie à Paris ;
Qu’il ressort de ses explications qu’il a acquis ledit bien grâce à un prêt d’un montant de deux cent cinquante millions de francs (250.000.000 frs) que lui a consenti la Société Générale de Banques au Sénégal dite SGBS ;
Qu’il produit au dossier la convention de prêt contractée le 1er février 2011 et remboursable sur sept (07) ans ;
Qu’il ne verse cependant aux débats aucun document pour prouver qu’il rembourse l’emprunt contracté au moyen de ses revenus légaux;
Qu’il a déjà été démontré ci-dessus que l’origine licite de l’argent versé en espèces dans le compte de Karim WADE à la SGBS n’avait pas été établie ;
Que se servir de cet argent pour rembourser un prêt et acquérir un autre bien équivaut à un blanchiment qui ne dit pas son nom ;
Que, quoiqu’il en soit, de la même façon qu’on ne peut invoquer une libéralité pour justifier de l’origine licite d’un bien, de même on ne peut, à titre de justification, invoquer un simple prêt remboursé par des moyens dont on ignore la provenance ou qui ont soi-disant été remis par son père et qui ont par conséquent été acquis en dehors de revenus légaux connus ;
Qu’il y a lieu au vu de ce qui précède, d’inclure dans les éléments de patrimoine dont l’origine licite n’a pas été établie, l’appartement de Karim WADE sis à la rue de la Faisanderie à Paris 16ème ;
Considérant que mène un train de vie sans rapport avec ses revenus légaux s’élevant à la somme de 504.000.000 francs CFA la personne qui, comme Karim Meïssa WADE est, en dehors des dits revenus légaux, propriétaire d’un appartement à Paris 16éme acheté à 245.871.371 Frs CFA, d’un immeuble de quatre étages situé à la Sicap rue 10 évalué, à dire d’expert à 291.250.000 francs CFA, de deux immeubles contigus situés au point E évalué à 524.325.000 francs CFA, de plusieurs véhicules de luxe évalués à 263.622.250 francs CFA, et est titulaire de comptes bancaires à la CBAO et à la SGBS au Sénégal où ont été versées, hors revenus légaux, des sommes cumulées d’un montant de 910.238.000 francs CFA, d’un compte bancaire à la Société générale à Paris créditeur de la somme de 48.169.323 francs CFA, d’un compte bancaire dormant domicilié à la banque Julius Baër de Monaco créditeur de la somme de 1.329.967.675 francs CFA, sans parler de l’assurance vie d’un montant de 421.461.500 francs CFA souscrite au Luxembourg ;
Que le montant total des éléments de patrimoine évoqués ci-dessus s’élève à 4.034.305.119 FCFA ;
Qu’il y a dans ces conditions, par application des dispositions de l’article 163 bis du code pénal et au vu de ce qui précède, de dire et juger que le délit d’enrichissement illicite qui lui est reproché est d’ores et déjà constitué contre Karim Meïssa WADE ;
Considérant qu’en dehors des éléments de son patrimoine décrits ci-dessus qu’il détient à titre personnel et dont il n’a pu justifier de l’origine licite, il appartenait à Karim WADE d’apporter la preuve qu’il ne s’est pas en plus enrichi illicitement, comme le soutient le ministère public, par l’intermédiaire de tiers ou de personnes physiques dirigeant des personnes morales dont il serait le bénéficiaire économique ;
Considérant que tout au long de la procédure, que ce soit lors l’enquête préliminaire, au cours de l’information ou devant la Cour de céans, le témoin Patricia Lake DIOP, notaire de son état, sans jamais avoir été contredit par Karim Meïssa WADE qui a toujours gardé le silence lors de leurs confrontations, a constamment affirmé que c’est celui-ci qui lui a demandé de constituer, les sociétés AHS S.A., AN MEDIA, ISTAR IMMOBILIER, TERRA VISION, ISTAR CAPITAL, ATLANTIC HOLDING, C D MEDIA GROUP S.A. et SENEGAL DISTRIBUTION ;
Qu’il ressort de ses explications que le prévenu, cousin germain de son mari, la faisait venir à son bureau où, notes en main, il lui donnait tous les éléments caractéristiques de la société à constituer, à savoir la dénomination sociale, les noms des associés, le montant et la géographie du capital social et lui demandait de dresser procuration, en ce qui concerne la société AHS, par exemple, pour des actionnaires comme Jerry G qu’aucun des témoins entendus au cours de la procédure n’a, par ailleurs, jamais vu au Sénégal et dont les pièces d’identité lui ont été remis par Karim WADE ;
Considérant qu’il résulte des actes notariés versés au dossier que l’officier ministériel a respecté à la lettre les instructions reçues, d’après elle, de Karim Meïssa WADE en mentionnant, dans les actes qu’elle a dressés, la dénomination sociale, les noms des actionnaires, et le montant et la répartition du capital social que celui-ci lui a donnés ;
Qu’ainsi les nommés Paul SARR, Madeleine SARR et Jerry GUEREGHIAN, personnes qu’elle n’avait jamais vues auparavant, ont été désignés comme actionnaires de la société AHS et sont passés, pour ceux qui étaient présents au Sénégal, à son cabinet signer, sans jamais avoir tenu d’assemblée générale constitutive, à titre personnel ou avec une procuration qu’elle a elle-même dressée, les différents actes nécessaires à la constitution de la société AHS ;
Que les noms des prévenus ABOUKHALIL ou de POUYE qui prétendent être les véritables actionnaires de AHS ne figurent dans aucun des actes dressé par la notaire et produits au dossier que ce soit lors de la constitution de ladite société ou lors de l’augmentation du capital de celle-ci intervenue par la suite ;
Qu’il n’y a, comme le soutiennent les prévenus, aucune contradiction entre les déclarations de la notaire et les mentions figurant sur les actes qu’elle a dressés et qui valent jusqu’à inscription de faux, personne n’ayant jamais contesté que ce sont les noms de Paul SARR, Madeleine SARR et Jerry GUEREGHIAN supposés être les premiers actionnaires de la société AHS Sénégal qui étaient mentionnés dans les statuts ;
Considérant que Patricia Lake DIOP a accompli son devoir de notaire en transcrivant dans les statuts de la société à créer les mentions que celui qu’elle considérait comme son client, en l’occurrence Karim WADE, lui a indiqué, étant entendu comme l’ont confirmé non seulement les prévenus POUYE et ABOUKHALIL, mais également nombre de témoins comme Bara TALL, homme d’affaires, Mansour GAYE, Oumar SAMB, tous deux experts comptables et commissaires aux comptes, et d’autres encore, qu’il n’est pas rare que les véritables actionnaires d’une société demandent au notaire de mettre les noms d’autres personnes en qui ils ont confiance, comme par exemple, les membres de leurs familles, comme actionnaires sur les actes des sociétés qu’ils ont constituées pour des raisons soit de confidentialité soit de dissimulation ;
Qu’en l’espèce, les premiers actionnaires de AHS SA, Paul SARR et Madeleine SARR, dont les noms figurent sur les actes constitutifs, n’ont jamais, comme ils le reconnaissent eux-mêmes dans leurs différentes dépositions, souscrit d’actions, mais ont accepté de porter des actions à la demande d’Ibrahim ABOUKHALIL dont ils étaient les employés ;
Qu’il est établi que, lors de l’augmentation du capital social de AHS SA, ils ont cédé gratuitement les actions reçues gratuitement et ce sans jamais avoir perçu un quelconque dividende;
Considérant que les déclarations de Paul et Madeleine SARR ont été confirmées par leur employeur le prévenu Ibrahim ABOUKHALIL qui soutient que c’est pour des raisons de confidentialité qu’il leur avait demandé de porter pour lui ses actions lorsqu’il a voulu créer la société AHS SA ;
Qu’il explique que c’est lui-même et non Karim WADE qui est allé voir la notaire Patricia Lake DIOP, puisqu’elle était la notaire en vogue à l’époque, pour lui demander de constituer la société AHS en lui fournissant tous les éléments nécessaires à savoir les noms des actionnaires, la dénomination sociale, la répartition du capital social et l’objet de la société ;
Considérant qu’il est curieux qu’abandonnant son notaire familial avec qui il a toujours travaillé et en qui il a toute confiance, d’après ses déclarations, que Ibrahim ABOUKHALIL, fasse constituer une société dont les véritables actionnaires ne devaient pas apparaitre dans un premier temps pour, selon lui, des raisons de confidentialité, par une notaire en vogue, parente par alliance, de surcroit, de son ami KW, fils du président de la République, très en vue à l’époque et dont tous les actes étaient épiés ;
Que c’était la meilleure façon d’apprendre au monde entier si ce n’est à tout le Sénégal qu’il était en train de constituer une société ;
Considérant qu’il est étonnant que quelqu’un qui soutient avoir donné toutes les caractéristiques de la société AHS Sénégal à la notaire Patricia Lake DIOP ne puisse se rappeler de la nature juridique des actions qui ont été souscrites ;
Qu’en effet aussi bien Ibrahim ABOUKHALIL que Mamadou POUYE ont lors de leurs auditions à l’enquête préliminaire aux cotes D60, D100, D105 et D106 du dossier, parlé d’actions au porteur, propriété des personnes en l’occurrence Paul SARR, Madeleine SARR et Jerry GUEREGHIAN qui les détiennent ;
Qu’ils semblaient totalement ignorer devant les agents enquêteurs, alors qu’ils prétendent être à l’origine de la création de la société AHS Sénégal que les actions souscrites lors de la création de cette société étaient nominatives et non au porteur ;
Que ce n’est que devant la Commission d’instruction et la Cour de céans, après la production de l’acte constitutif de la société, qu’ils ont commencé à parler d’actions nominatives ;
Qu’on peut déduire de tout ce qui précède que Ibrahim ABOUKHALIL n’a, en aucune façon comme il le prétend, indiquer les mentions qui devaient figurer sur les statuts de la société AHS SA à la notaire Patricia Lake DIOP ;
Considérant que par ailleurs les déclarations de la notaire selon lesquelles c’est Karim WADE qui est à l’origine de la constitution de la société AHS ont été confirmées par les témoignages directs et indirects de bien d’autres personnes ;
Considérant qu’il résulte par exemple du témoignage d’Ely Manel DIOP, condisciple de Karim WADE que le business plan de la société AHS Sénégal a été présenté par Mamadou POUYE, également ami d’enfance et condisciple du prévenu WADE, en présence de celui-ci dans les bureaux situés à l’immeuble ABM appartenant à la famille d’Ibrahim ABOUKHALIL dit Bibo Bourgi;
Que rentrant dans les détails Ely Manel DIOP a expliqué qu’après avoir été reçu au cours d’un déjeuner au domicile des parents de Karim Meïssa WADE, ce dernier lui a exposé tout d’abord, un projet de création de banque au Sénégal, avant de le mettre en relation avec Ibrahim ABOUKHALIL pour la mise en place d’une société de Handling à l’aéroport de Dakar ;
Qu’il a également soutenu que c’est Karim Meïssa WADE qui l’a recruté comme Directeur général de la société AHS SA et qui a demandé au nommé Paul BENICHOU de lui remettre ses premiers instruments de travail composés d’un téléphone et d’un ordinateur ;
Qu’il a poursuivi en déclarant qu’il a fallu que Karim Meïssa WADE donne des instructions à Mamadou POUYE pour que celui-ci lui paie ses premiers salaires ;
Qu’il a ajouté que c’est Karim Meïssa WADE qui a convoqué Mamadou SECK, Ministre chargé des Transports aériens de l’époque, en son domicile sis au Point E, pour le lui recommander et ce, en présence de Mamadou POUYE ;
Que Mamadou SECK, confirmant cette déclaration, a précisé que Karim Meïssa WADE lui a présenté Ely Manel DIOP comme étant le directeur général d’une société nouvellement créée devant intervenir dans le domaine aéroportuaire, et Mamadou POUYE comme étant un conseiller ;
Qu’Ely Manel DIOP a affirmé que c’est à la suite de cette recommandation, qu’il s’est rendu à plusieurs reprise dans les bureaux de Mamadou SECK, une fois, d’ailleurs, en compagnie de Mamadou POUYE, pour accomplir les formalités relatives à l’obtention de l’agrément nécessaire au démarrage des activités de la société AHS SA ;
Que non seulement ces déclarations n’ont pas été infirmées par Mamadou SECK qui, d’ailleurs, lors de leur confrontation, a redit sa totale confiance en Ely Manel DIOP mais, elles ont été confirmées par Aminata DIOP SALL, directrice de l’aviation civile de l’époque, qui a affirmé avoir fait l’objet de remontrances de la part de Mamadou SECK pour n’avoir pas traité le dossier AHS SA avec toute la diligence attendue ;
Considérant que toutes les déclarations du témoin Ely Manel DIOP entendu sous serment ont été confortées par les témoignages concordant des nommés El Hadji Mansour SAMBE, Mamadou Lamine GUEYE et Léon Michel SECK, travaillant tous pour la société de Handling dénommée SHS, société de Handling mise en place par les anciens travailleurs de AIR AFRIQUE, qui ont déclaré, serment prêté, que seule la société précitée devait opérer sur la plateforme aéroportuaire de Dakar pour l’activité de Handling et que cependant, lors d’une réunion présidée par Mamadou SECK, Ministre chargé des transports aériens de l’époque, ils ont appris de ce dernier que l’Etat avait décidé qu’il y aurait désormais deux (02) opérateurs au lieu d’un et leur a présenté Ely Manel DIOP comme représentant de la nouvelle société AHS SA ;
Que par ailleurs, Mamadou Lamine GUEYE et Léon Charles SECK ont ajouté qu’à la veille du démarrage des activités de Handling des deux (02) sociétés, au cours d’une réunion présidée par le même Ministre, ils ont appris de ce dernier que l’Etat n’accorderait plus qu’un seul agrément qui serait attribué à la société AHS et que c’est suite à une menace de paralysie de l’aéroport proféré par le SUTTAS, syndicat des travailleurs de l’aéroport, que les autorités ont reculé en permettant aux deux (02) sociétés d’opérer finalement côte à côte ;
Que Mamadou Lamine GUEYE a précisé qu’à l’époque la rumeur courait à l’aéroport que c’était Karim WADE qui était derrière AHS, d’où les difficultés rencontrées par SHS ;
Que corroborant ces déclarations, El Hadji Mansour SAMBE a affirmé qu’avec l’arrivée de Karim WADE à la tête du Ministère chargé des transports aérien, toutes les nouvelles compagnies qui sollicitaient les droits de trafic étaient systématiquement assistées par AHS ;
Considérant que les différentes dépositions des témoins cités ci-dessus confirment s’il en était encore le rôle joué par Karim WADE non seulement, dans la création de la société AHS SA mais également dans le fonctionnement de celle-ci ;
Considérant qu’au titre des témoignages qui mettent en exergue le niveau d’intervention de Karim Meïssa WADE dans le fonctionnement de AHS SA, on peut citer ceux de Alda FALL, Serigne Mbaye THIANDOUM et Alassane NDOYE ;
Considérant que confronté, lors de l’enquête préliminaire le 22 novembre 2012, à Ely Manel DIOP Karim WADE a reconnu avoir aidé celui-ci qui l’avait sollicité, à trouver un travail à la société AHS SA alors que lors de sa première audition il affirmait ne connaitre ni ladite société ni ses dirigeants ;
Qu’acculé par les enquêteurs il reconnait qu’il aurait dû dire qu’il savait qui étaient les dirigeants de AHS à qui il lui arrivait de donner des conseils puisque c’était des amis qui le sollicitaient pour le projet, avouant ainsi par la même occasion, comme l’a toujours soutenu Ely Manel DIOP, avoir été impliqué dans ledit projet ;
Considérant que les dénégations de Ibrahim ABOUKHALIL et de Mamadou POUYE les deux amis dirigeants de AHS SA cités par Karim WADE, selon lesquelles celui-ci n’est intervenu ni dans l’embauche de Ely Manel DIOP, ni dans la création ou le fonctionnement de ladite société, ne sont étayées par aucune preuve et ne sauraient à elles seules suffire pour remettre en cause tous les témoignages cités ci-dessus ;
Qu’au contraire les dits témoignages ainsi que les propres déclarations de Karim WADE, quand il a bien voulu parler, confirment les affirmations de la notaire Patricia Lake DIOP sur la constitution de la société AHS ;
Que le fait qu’elle ait pu se tromper sur l’immeuble où elle a rencontré Karim WADE, ou sur d’autres détails insignifiants qui ont relevés par Ibrahim ABOUKHALIL et Mamadou POUYE dans ses déclarations et qu’elle a rectifiés après vérification des documents détenus dans son cabinet, ne sauraient remettre en cause son témoignage, ce d’autant plus que d’autres témoins comme les nommés Mansour GAYE, ami de Karim WADE et Patrick WILLIAM condisciple de ce dernier, ont eu à déclarer qu’elle rencontrait régulièrement Karim WADE pour discuter avec lui de la constitution de sociétés, et parfois en présence de la notaire Patricia Lake DIOP ;
Considérant que celle-ci, parente par alliance de Karim WADE n’a aucune raison d’en vouloir à celui-ci d’après ses déclarations ;
Que prétendre, comme l’ont fait les prévenus Ibrahim ABOUKHALIL et Mamadou POUYE sans en rapporter la moindre preuve, qu’elle a été menacée de poursuites par le ministère public si elle ne témoignait pas dans le sens voulu par celui-ci, est totalement ridicule et puérile ;
Qu’au contraire les menaces et intimidations pour la pousser à retirer son témoignage proviennent des militants politiques partisans de Karim WADE, comme la Cour de céans qui a eu à la rassurer, l’a constaté elle-même lors de la suspension de l’audience où elle était entendue ;
Qu’en tant qu’officier ministériel ayant eu à prêter serment avant d’exercer son métier, elle est tenue de dire la vérité quoique cela puisse lui coûter ;
Que Karim WADE ne l’a jamais contredite lors de leurs différentes confrontations au cours desquelles il a toujours gardé le silence ;
Considérant que Mamadou POUYE a essayé de discréditer le témoignage d’Ely Manel DIOP en essayant de faire croire que celui-ci ne disposait pas de toutes ses facultés mentales ;
Qu’on se pose dès lors la question de savoir comment et pourquoi un homme déséquilibré a pu être nommé, de surcroît par la personne qui l’en accuse, comme directeur général d’une société aussi importante que AHS, exerçant dans le secteur aéroportuaire où les questions de sécurité sont primordiales, et ce, pendant plusieurs années ;
Qu’aucune des personnes ayant rencontré Ely Manel DIOP et entendues dans ce dossier, à commencer par Karim WADE et le ministre Mamadou SECK n’ont jamais douté de la santé mentale de celui-ci ;
Qu’il échet par conséquent, de donner toute la crédibilité qui sied aux témoignages, faits sous serment, de Patricia Lake DIOP et d’Ely Manel DIOP ;
Considérant qu’au demeurant Mamadou POUYE a confirmé une partie du témoignage d’Ely Manel DIOP en admettant que, comme celui-ci l’a déclaré, les travaux d’aménagement des bureaux de AHS ont été réalisés par la société LATERITE appartenant à feue Karine MARTEAU, la défunte femme de Karim WADE ;
Qu’il ne conteste que le fait que le chèque émis en paiement de ces travaux a été remis par Ely Manel DIOP à Karim WADE, sans préciser à qui la dite remise a été faite ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède, aucun témoignage même ceux faits à titre de simple renseignement par les employés de Karim WADE et d’Ibrahim ABOUKHALIL, ne contredisant fondamentalement les témoignages précis, accablants et concordants de Patricia Lake DIOP, d’Ely Manel DIOP et des autres témoins cités ci-dessus, que Karim WADE est celui qui a créé la société AHS SA dont les actions ont été mis, à sa demande, au nom des nommés Paul SARR, Madeleine SARR, employés de son ami Ibrahim ABOUKHALIL et Jerry CUREGHIAN, inconnu au Sénégal et dont il a remis les pièces d’identité à la notaire ;
Considérant qu’au demeurant les actionnaires précités, prête-noms assumés aux termes de leurs déclarations, totalement inconnus dans le milieu de l’aviation ne pouvaient en aucune façon, sans le soutien d’une personne influente, obtenir l’autorisation de faire du Handling à l’aéroport international de Dakar, ne serait-ce que pour des raisons de sécurité ;
Qu’entendu par la Cour de céans, Ibrahim ABOUKHALIL qui prétend avoir demandé aux dits prête-noms de porter ses actions, a soutenu ne pas être intervenu auprès de quelque autorité que ce soit pour l’acquisition de l’agrément de AHS SA ;
Que l’intervention, d’après les témoignages cités ci-dessus, du ministre Mamadou SECK à la demande de Karim WADE, prouve s’il en était encore besoin que c’est grâce à ce dernier que la société AHS a pu obtenir son agrément et commencer ses activités ;
Qu’en fait foi également le fait que le dit agrément a été renouvelé en mars 2011, avant même son expiration prévue en décembre 2012, par le même Karim WADE, devenu ministre d’Etat alors que le concurrent de AHS la société SHS a eu toutes les peines du monde à obtenir le renouvellement du sien d’après les déclarations du témoin El Hadj Mansour SAMB ;
Considérant qu’une fois mis en place, la société détenue désormais, à la suite d’une augmentation de capital et de la cession de leurs actions par les personnes utilisées comme prête-noms, à des sociétés offshores basées au Luxembourg et aux îles vierges britanniques, le nom de Menzies Aviation, société internationalement connue dans le milieu de l’aviation a été utilisé pour pouvoir créer dans d’autres pays des sociétés AHS ;
Qu’ainsi ont été créé AHS Bénin, AHS Niger, AHS Ghana, AHS Guinée Bissau, AHS Guinée Equatoriale, AHS Centrafrique, AHS Jordanie, et AHS Voyage, sans compter AHS Sénégal, dont la majorité des capitaux sociaux sont détenus par une société dénommée Menzies Middle East Africa, société offshore n’ayant rien à voir avec Menzies Aviation ;
Que le modus opérandi utilisé est simple, car après avoir passé un contrat de partenariat avec Menzies Aviation, d’autres sociétés n’ayant rien à voir avec celle-ci mais se servant de son nom comme Menzies Middle East Africa vont être créés dans des paradis fiscaux pour, sans avoir fourni aucune prestation aux différents AHS, se faire virer de l’argent par celles-ci dans des comptes domiciliés à Monaco ;
Considérant qu’il est difficile voire impossible aux dires des experts comptables et immobiliers désignés par la Commission d’instruction de la CREI ou des commissaires aux comptes entendus par la Cour de céans, de connaitre les vrais actionnaires ou les vrais bénéficiaires économiques de sociétés basées dans des paradis fiscaux comme le Luxembourg, les îles vierges britanniques, le Panama où sont domiciliés les sociétés offshore créées pour recueillir les fonds provenant des différentes AHS et versés dans des comptes ouverts à Monaco ;
Qu’en attendant la création d’un registre des bénéficiaires économiques envisagé par certains pays comme la grande Bretagne où se situe les îles vierges britanniques, il n’est pour le moment pas possible de connaitre les vrais bénéficiaires de sociétés offshore sans faire appel à des témoignages, comme c’est le cas en l’espèce sur les liens existant entre les dites sociétés et celles dont elles sont supposées être les actionnaires ;
Que Karim WADE ayant créé comme cela a été démontré ci-dessus par des témoignages précis et concordants, AHS SA qui a servi à créer toutes les autres AHS, il est forcément l’un des bénéficiaires économiques des sociétés offshore actionnaires et bénéficiaires économiques desdites AHS et qui sont situées aux îles vierges britanniques et dans d’autres paradis fiscaux ;
Considérant que Karim WADE n’a pu prouver qu’il n’a pas en sa qualité d’agent public de l’Etat usé de son influence pour créer une société dont il est le bénéficiaire économique via des sociétés offshores, les seules déclarations des autres prévenus contredisant parfois les siennes ne suffisant pas face aux témoignages précis et concordants cités ci-dessus pour constituer la dite preuve ;
Considérant qu’en ce qui concerne la société ABS dont le prévenu Alioune Samba Diassé prétend être le «propriétaire», il sera ci-dessous démontré ses liens avec les différentes AHS, sociétés qui ont été utilisées avec la société ABS CORPORATE pour alimenter les comptes ouverts à Monaco par les prévenus ;
Qu’il apparait au vu du dossier, notamment des déclarations du témoin Aminata DIOP SALL, directrice de l’aviation civile, qu’une personne extrêmement influente est intervenue pour que la société ABS constituée quinze jours seulement avant le lancement de l’appel d’offre du marché du transport des passagers de l’aérogare de l’aéroport de Dakar vers les aéronefs, gagne ledit marché ;
Que le témoin précité explique qu’après avoir constaté comme autre anomalie le délai trop court de quinze jours donné aux autres sociétés soumissionnaires, il a décidé de déclarer le marché infructueux mais a été obligé de le valider finalement après intervention de ses supérieurs ;
Considérant qu’en plus des anomalies soulevées ci-dessus, il est étonnant qu’un marché concernant un secteur aussi sensible que celui du transport des passagers vers les aéronefs ait pu être confié à une société venant juste de naitre et dont le dirigeant, en l’’occurrence Alioune Samba DIASSE n’a aucune compétence en matière de transport aérien ou de transport par bus tout court ;
Que celui-ci ne connaissant également aucune personne influente dans le milieu aéroportuaire de l’époque et n’ayant pas mis à contribution, d’après ses déclarations, son employeur Ibrahim ABOUKHALIL, il est bizarre que la société dont il prétend être le propriétaire, ait pu obtenir un agrément pour le transport des passagers ;
Qu’on peut déduire de tout ce qui précède que la société ABS a eu besoin, pour gagner le marché du transport des passagers vers les aéronefs de l’aéroport de Dakar, de l’aide d’une personne à qui on ne pouvait pas dire non comme Karim WADE qui, d’après les déclarations de Mathiaco BESSANE , ancien directeur général de l’Agence Nationale de l’Aviation Civile du Sénégal (ANACS) , leur a demandé verbalement, alors qu’il était encore conseiller à la Présidence de la République, de ne pas faire cesser l’activité de la société ABS SA qui ne disposait pas d’un agrément et n’était pas en conformité avec la réglementation en vigueur relative à la sécurité ;
Que le fait d’avoir pour ABS, comme pour toutes les sociétés AHS avec MENZIES AVIATION, signé un contrat de partenariat avec une société allemande très connue COBUS, prouve que c’est le même le modus opérandi qui a encore été utilisé par les bénéficiaires économiques des comptes de Monaco où étaient virés les sommes provenant de ABS ;
Considérant qu’il y a lieu d’inclure, par conséquent la société ABS dans les sociétés ayant été utilisé par KW pour s’enrichir ;
Considérant que ce soit avec la société BLACK PEARL FINANCE intervenant dans le domaine des finances, la société Daport, dans le domaine aéroportuaire, le même système consistant à mettre en exergue des sociétés très connues telles la BMCE, société marocaine ou FRAPORT, société allemande, pour ne pas apparaitre et laisser croire que ce sont les dites sociétés qui bénéficient des contrats signés avec l’Etat du Sénégal ou ses démembrements tels que les Aéroports du Sénégal dite ADS, a été reconduit ;
Considérant que pour toutes ces sociétés, ce sont des amis d’enfance comme Ibrahim ABOUKHALIL ou des condisciples comme Mamadou POUYE ou Ely Manel DIOP ou encore le nommé Patrick WILLIAM dans le domaine immobilier et des médias, dont s’est servi Karim WADE pour ne pas apparaitre ;
Considérant que si certains comme Patrick WILLIAM, ou Cheikh Lamine Oumar DIALLO autre ami de Karim WADE, utilisé dans le domaine des médias, ont reconnu avoir servi de prête-noms à Karim WADE, d’autres par contre comme Ibrahim ABOUKHALIL ou Mamadou POUYE qui n’ont pas pris la fuite comme les nommés Mamadou Aïdara dit Vieux ou Karim ABOUKHALIL, se sont déclarés, malgré tous les témoignages démontrant le contraire, bénéficiaires économiques des sociétés créées avec leur aide par Karim WADE ;
Considérant que la société BLACK PEARL FINANCE, grâce à Karim WADE ainsi qu’en fait foi le témoignage de Seydina KANE, ancien directeur de la SENELEC, a pu obtenir des mandats publics grassement rémunérés sans que le travail effectué n’ait été utilisé en ce qui concerne la SENELEC ;
Qu’il ressort des témoignages de l’ancien ministre des finances Abdoulaye DIOP, confirmées par les déclarations du prévenu M’baye N’DIAYE que Karim WADE est personnellement intervenu pour demander que la BMCE devenue BLACK PEARL FINANCE soit payée ;
Considérant qu’en ce qui concerne la société Daport, pour nombre de témoins, dont Pape Diéry SENE, contrôleur de gestion des ADS, Pape Maël DIOP, directeur général des ADS, elle n’a accompli aucune prestation à l’aéroport de Dakar si ce n’est amener quelques travailleurs se promener en Allemagne alors qu’ elle percevait une redevance annuelle correspondant à 5% du chiffre d’affaires des ADS, soit pour la période de 2009 à 2011 la somme de 2.500.000.000 Frs pour les soit disant prestations qu’elle était censée fournir ;
Considérant que le juge pénal, en vertu des dispositions de l’article 414 du code pénal, décide d’après son intime conviction en se fondant sur tout mode de preuve, comme par exemple les témoignages recueillis au cours des débats ;
Considérant qu’en l’espèce, la plupart des témoins entendus affirment tous que Karim WADE est intervenu dans la création et le fonctionnement des sociétés AHS, MENZIES, ABS, BLACK PEARL FINANCE, et DAPORT dont ses amis Ibrahim ABOUKHALIL et Mamadou POUYE se prétendent bénéficiaires économiques et qui ont eu à bénéficier de faveurs particulières ne pouvant être octroyées qu’avec l’aide ou le soutien d’une personne très influente identifiée pratiquement par tous les témoins comme étant Karim WADE ;
Qu’il résulte de ce qui précède que Karim WADE, en tant qu’agent civil de l’Etat et en tant que titulaire d’une fonction gouvernementale, s’est servi des sociétés précitées pour se retrouver, en possession d’un patrimoine sans rapport avec ses revenus légaux ;
Considérant que les sociétés AN MEDIA, CD MEDIA GROUP, ISTAR IMMOBILIER, TERRA VISION, ISTAR CAPITAL, ATLANTIC HOLDING, et SENEGAL DISRIBUTION ont également été constituées par la notaire Patricia L. DIOP à la demande de Karim WADE ;
Que c’est ce dernier qui lui a non seulement donné tous les éléments caractéristiques des dites sociétés, comme il l’a fait pour la société AHS SA, mais qui également, a payé les frais de constitution de certaines d’elles ;
Qu’elle affirme avoir remis certains actes constitutifs à Karim WADE, ce que ce dernier, qui reconnait avoir reçu ces actes à son cabinet, ne nie pas ;
Considérant que les déclarations de la notaire ont été confirmées par les nommés Patrick Ady WILLIAM, Cheikh Lamine Oumar DIALLO et Cheikh Tidiane N’DIAYE ;
Considérant que Patrick Ady WILLIAM, ami et condisciple, pendant trois ans, de Karim WADE au collège Saint Martin à Paris, a tout au long de la procédure déclaré que les sociétés ATLANTIC HOLDING, TERRA VISION SA ,MEDIA GROUP SA, ISTAR CAPITAL, et ISTAR IMMOBILIER, ont été créées au Cabinet de Me Patricia Lake DIOP à la demande de Karim Meïssa WADE ;
Que confirmant ses «propos déjà tenus à la section de recherche de la gendarmerie de Colobane ainsi que devant la Commission d’Instruction de la CREI …», il a tenu à préciser dans une déclaration faite devant notaire au Congo et adressée à la Cour de céans, qu’il a «signé au sein du cabinet de Maître Patricia Lake DIOP, des cessions d’actions en blanc dont il ignore l’identité du bénéficiaire» ;
Qu’il a reconnu devant les agents enquêteurs et devant les juges de la Commission d’instruction qu’il était le prête-nom de Karim WADE puisqu’il a accepté, à la demande de celui-ci et pour lui rendre service, de signer, sans aucune contrepartie, des actes constitutifs de sociétés dont il n’a pas eu à payer les actions mises à son nom ;
Considérant que le nommé Cheikh Lamine Oumar DIALLO, ami de Karim WADE avec qui il a travaillé à l’ANOCI a également de son côté, reconnu, après quelques tergiversations devant les agents enquêteurs, et après avoir prêté serment devant la Cour de céans où il comparaissait en qualité de témoin, qu’il a signé les documents constitutifs de la société CD MEDIA GROUP à la demande de Karim WADE qui non seulement a envoyé son chauffeur Victor TENDENG verser au notaire Patricia Lake DIOP la somme de 10.000.000 Frs représentant le capital social de ladite société, mais l’a également nommé directeur général ;
Qu’il a aussi déclaré que c’est Karim Meïssa WADE qui lui a fourni les six véhicules Pick-up de CD MEDIA qui ont été livrés par Victor KANTOUSSAN, son garde du corps ;
Que si ce dernier a nié avoir procédé à la dite livraison, Victor TENDENG a, de son côté reconnu avoir versé la somme de 10.000.000 Frs au cabinet du notaire Patricia Lake DIOP ;
Que le nommé Mamadou DIOP a déclaré, sous serment, avoir été nommé, comme Cheikh Lamine Oumar DIALLO l’a affirmé, président du conseil d’administration de CD MEDIA par Karim WADE lequel lui a fourni un véhicule de fonction et lui payait la somme de 1.000.000 frs à titre de salaire mensuel ;
Considérant que le témoin Cheikh Tidiane N’DIAYE a, de son côté, entendu sous serment, affirmé sans jamais en démordre, que Karim WADE est le propriétaire de AN MEDIA ;
Qu’il soutient que c’est ce dernier qui a payé, chez le notaire, le montant du capital social, a acheté tout le matériel nécessaire au fonctionnement de la société, payé les salaires et les charges ;
Qu’il a expliqué que pour acquérir la fréquence hertzienne de Canal Horizon, il lui a demandé de passer avec Vieux Aïdara chez l’ancien président de l’assemblée national Pape DIOP, pour récupérer la somme de 40.000.000 Frs, montant de l’acquisition envisagée ;
Qu’entendu Pape DIOP confirme lui avoir remis ladite somme mais à la demande de l’ancien président de la République et non de Karim WADE ;
Que Mansour GAYE expert-comptable, très impliqué dans la gestion de AN MEDIA, confirme de son côté que Cheikh Tidiane N’DIAYE et Vieux Aïdara respectivement directeur général et président directeur de ladite société lui ont été recommandés par Karim WADE ;
Qu’il nie cependant avoir, à la demande de ce dernier, invité Cheikh Tidiane N’DIAYE, à démissionner de ses fonctions de directeur général ;
Qu’il n’arrive cependant pas à donner des explications convaincantes sur l’implication, jusqu’à assister à des réunions de conseil d’administration, de sa société de renommée mondiale d’après lui, dans les affaires de jeunes qui n’avaient aucune expérience en matière de gestion et dont la société déficitaire ne pouvait en aucune façon, être rentable ;
Qu’il n’a pas pu également en produisant des documents en tant que comptable, justifier de l’origine des ressources qui lui permettaient de payer les charges et salaires de AN MEDIA, qui d’après Cheikh Tidiane N’DIAYE étaient pris en charge par Karim WADE ;
Considérant que Karim WADE mis en présence de la notaire Patricia Lake DIOP n’a jamais contredit celle-ci devant qui, il a toujours gardé le silence ;
Considérant que même s’il nie, dans sa réponse à la mise en demeure qui lui a été adressée par le procureur spécial, que les sociétés citées ci-dessus font partie de son patrimoine, les témoignages de la notaire, officier ministériel ayant prêté serment pour exercer ses fonctions et devant la Cour de céans en qualité de témoin, ainsi que de toutes les autres personnes citées ci-dessus, qui d’après leurs déclarations n’ont aucune raison de lui vouloir du mal, et qui ont affirmé sous serment, n’avoir subi aucune pression de la part de qui ce soit, démontrent le contraire ;
Que le fait que les actions des dites sociétés aient été mises, à la demande de Karim WADE, d’après Maître Patricia Lake DIOP, au nom d’autres personnes qui ont toutes reconnu, comme Patrick Ady WILLIAM et Cheikh Lamine Oumar DIALLO, être des prête-noms, démontre que le prévenu n’a jamais voulu voir son nom apparaitre dans les sociétés qu’il a créées ;
Considérant qu’il ressort des déclarations du témoin Patrick Ady WILLIAM, que Karim WADE lui a demandé de lui servir de prête-nom non seulement pour la société ATLANTIC HOLDING, détentrice des actions de CD MEDIA, mais également pour la société ISTAR IMMOBILIER qui a bénéficié de baux de 5.000 m² au lieu-dit hangar des pèlerins et de 3.000 m² sur la VDN à la suite de l’intervention de Karim WADE qui l’a mis en contact avec le directeur du cadastre de l’époque le nommé Tahibou N’DIAYE ;
Considérant qu’il y a lieu, au vu de tout ce qui précède, d’inclure dans le patrimoine non justifié de Karim WADE, toutes les ressources qu’il a utilisées pour créer et faire fonctionner les sociétés AN MEDIA, CD MEDIA GROUP, ATLANTIC HOLDING, ISTAR IMMOBILIER, mais également tous les fruits issus de l’investissement effectué dans lesdites sociétés ;
Considérant que constitue également un élément de ce patrimoine, une partie de l’actif de la société DAHLIA SA dont les actions sont détenues à 90% par la société offshore DAHLIA CORPORATE, domiciliée comme par hasard et à l’instar des autres sociétés dont sont bénéficiaires économiques Karim WADE et ses amis Mamadou POUYE et Ibrahim ABOUKHALIL, aux îles vierges britanniques ;
Qu’il ressort en effet des déclarations du témoin Bara TALL, qui détient 1% du capital de la société DAHLIA SA, que Ibrahim ABOUKHALIL lui a amené un bulletin de souscription en lui faisant savoir que Karim WADE et lui avaient constitué la société pour exploiter le terrain d’une surface de 33.520 m² qui leur a été attribué sur la corniche ouest de Dakar ;
Que le témoin, entendu sous serment, a expliqué que c’est Karim WADE qui l’a sollicité, en lui disant venir de la part de son père l’ancien président de la République, pour lui demander d’effectuer des travaux pour stopper l’avancée de la mer sur le terrain qui va finalement être attribué à la société DAHLIA ;
Qu’il a précisé que Karim WADE lui a remis lui-même, accompagné d’une note manuscrite écrite de sa main, le rapport de l’institut des sciences de la terre décrivant les menaces d’érosion pesant sur le terrain ;
Qu’il a affirmé, qu’après attribution dudit terrain, on lui a finalement appris que celui-ci serait morcelé en trois lots qui devaient respectivement revenir à Ibrahim ABOUKHALIL, à Karim WADE et à lui-même, en guise de rémunération pour les travaux qu’il a effectués ;
Qu’il a soutenu avoir lui-même demandé et obtenu au nom de DAHLIA des autorisations de construire pour trois villas dont les plans de construction ont été réalisés, en tenant compte des suggestions émises par le beau-père et la défunte femme de Karim WADE, par l’architecte Alain ROBERT, que celui-ci lui a présenté ;
Qu’il a produit aux débats la note manuscrite écrite par Karim WADE et les plans d’architecture dessinés par Alain ROBERT, pour prouver ses allégations ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède, que malgré les dénégations de Ibrahim ABOUKHALIL, qui nie toute implication de son ami Karim WADE dans la création de la société DAHLIA SA et dans l’acquisition par celle-ci du terrain de 33.520 m² situé sur la corniche ouest, que ledit ami a bel et bien participé à la constitution d’une société dont il s’est servi pour accroitre son patrimoine ;
Que la création encore et toujours aux îles vierges britanniques, de la société dénommée DAHLIA CORPORATE, dont les véritables bénéficiaires économiques seront impossibles à identifier, démontre que Karim WADE a cherché encore une fois, à dissimuler, avec l’aide de Ibrahim ABOUKHALIL, des éléments de son patrimoine par l’utilisation de sociétés offshore ;
Considérant que des sociétés offshore, cette fois-ci domiciliées au Panama, ont été également utilisées pour dissimuler l’identité des véritables bénéficiaires économiques du projet EDEN ROC ;
Que bien des anomalies ont été décelées lors de la réalisation dudit projet consistant à construire et à vendre des appartements de luxe ;
Que la société HARSTAND, constituée pour réaliser ce projet, a profité de beaucoup d’irrégularités commises par l’Administration lors de l’examen de ses demandes de baux ;
Qu’il ressort des pièces du dossier et du témoignage de Assane DIANKO, directeur général des impôts et domaines, que le terrain vendu par le nommé Abdou Mody N’DIAYE à HARSTAND a été obtenu par celui-ci à la suite d’un échange inéquitable et irrégulier de terrains appartenant à l’Etat ;
Que le témoin entendu sous serment a expliqué, que cet échange n’avait plus de raison d’être, puisque l’Etat n’avait plus besoin de l’immeuble de Mody N’DIAYE, les services des impôts qui occupaient ledit immeuble ayant déménagé entretemps dans des locaux construits par l’Administration ;
Qu’il a précisé que l’échange était inéquitable puisque le terrain proposé à Mody NDIAYE situé sur la corniche, avait une plus grande valeur que l’immeuble de celui-ci sis à Rufisque ;
Qu’il a relevé l’irrégularité, consistant pour la CCOD, chargée de donner son avis sur les demandes de baux, à donner un avis favorable pour l’échange de terrains faisant déjà l’objet de baux, sans que lesdits baux attribués à des personnalités comme le général Lamine CISSE, ancien ministre de l’intérieur, aient été résiliés ;
Qu’il a soutenu, que c’est pour toutes ces raisons, qu’il a refusé de transmettre au ministre du budget, l’avis irrégulier rendu par la CCOD ;
Que l’ancien directeur des domaines, Ibrahima WADE qui a confirmé devant la Cour de céans, avoir constaté les mêmes irrégularités que son directeur général, reconnait avoir transmis, à sa demande, l’avis précité à son ministre, qui a autorisé l’échange ;
Considérant que le terrain échangé était d’après l’expert immobilier désigné comme administrateur provisoire de HARSTAND par la commission d’instruction, indispensable au projet d’EDEN ROC, puisque permettant l’accès à la route desservant les immeubles à construire ;
Qu’il s’étonne que HARDSTAND, avant même d’acquérir le terrain échangé, ait demandé et obtenu sans aucun
obstacle les deux terrains jouxtant celui-ci, comme si ladite acquisition allait se réaliser sans aucun problème ;
Considérant qu’il n’y a pas lieu de s’appesantir sur le fait que HARSTAND ait pu sans aucun problème se faire attribuer un terrain du domaine public maritime d’une superficie de 6395 m², qu’il a fallu déclasser par décret, l’introduire dans le domaine privé de l’Etat, avant de le donner en bail transformé en titre foncier, alors que les conditions exigées par la loi pour ce faire, à savoir la mise en valeur, ne sont pas remplies ;
Considérant que même si le ministre des finances de l’époque Abdoulaye DIOP reconnait être intervenu dans ce dossier pour accélérer la procédure à la demande d’Ibrahim ABOUKHALIL par amitié pour sa famille, il n’est pas le seul à l’avoir fait ;
Qu’obtenir aussi rapidement par décret le déclassement d’un terrain du domaine public maritime et l’immatriculation de celui-ci au nom d’une personne privée physique ou morale, n’est pas donné à tout le monde ;
Qu’il est par conséquent étonnant qu’Ibrahim ABOUKHALIL, ayant comme ami le fils du président de la République, ne l’ait pas sollicité comme il le prétend, pour l’obtention des terrains attribués à HARDSTAND, ce d’autant plus qu’il s’est déjà associé avec lui, d’après Bara TALL, pour exploiter un autre terrain sis également sur la corniche ;
Que de toute façon comme il a reconnu que les appartements du projet EDEN ROC ont été en partie financés par de l’argent provenant des comptes de Monaco, et également par des espèces sonnantes et trébuchantes d’un montant très élevé dont il n’a pu établir l’origine de façon certaine, l’implication de Karim WADE bénéficiaire économique, par le biais de sociétés offshore, des comptes de Monaco, dans le projet précité, ne saurait être contesté ;
Que le fait pour les frères Aboukhalil qui prétendent être les propriétaires de HARDSTAND d’utiliser des sociétés offshores domiciliées au Panama pour acheter des appartements qui leur appartiennent, ne peut s’expliquer que par la volonté de dissimuler la véritable identité du véritable bénéficiaire économique de ces sociétés offshores et de ces appartements ;
Considérant qu’il y a, au vu de tout ce qui précède, d’inclure également dans le patrimoine de Karim WADE, les biens appartenant à la société HARSTAND et aux sociétés offshores créés par Ibrahim ABOUKHALIL, pour acheter des appartements du projet EDEN ROC ;
Considérant que le prévenu KW n’a voulu s’exprimer devant la Cour de céans que sur la propriété des bijoux découverts dans un coffre-fort lui appartenant et sur le compte bancaire de SINGAPOUR dont la propriété lui a été imputée ;
Que tout au long de l’audience qui a duré des mois, chaque fois que la parole lui a été donnée, il a, alors qu’il n’a jamais voulu se prononcer sur les autres faits qui lui étaient reprochés, contesté détenir un compte bancaire à Singapour ;
Considérant que c’est à la suite d’une information fournie par l’expert-comptable Alboury N’DAO désigné comme expert par la Commission de la CREI, que celle-ci a inclus dans le patrimoine de celui-ci la somme de 46.880.602.000 FCFA contenus dans un compte de Singapour supposé appartenir à Karim WADE ;
Considérant qu’il était du devoir de l’expert dont la bonne foi ne peut être mise en doute, de porter à la connaissance des magistrats instructeurs des informations qui lui ont été fournies, d’après lui, par des sapiteurs dont il n’a pas voulu révéler l’identité ;
Considérant que ces informations n’ont pu être confirmées, aucune réponse à la commission rogatoire internationale adressée aux autorités judiciaires de Singapour n’étant, à ce jour, parvenue à la CREI ;
Considérant qu’aucune preuve de l’existence du compte bancaire de Singapour et de son appartenance à Karim WADE n’ayant été rapportée, il y a lieu, de ne pas retenir les sommes supposées être contenues dans ledit compte comme faisant partie des éléments du patrimoine de Karim WADE ;
Considérant qu’en vertu des dispositions. le délit d’enrichissement est constitué lorsque, sur simple mise en demeure, le titulaire d’une fonction gouvernementale ou un agent civil de l’Etat se trouve dans l’impossibilité de justifier de l’origine licite des ressources qui lui permettent d’être en possession d’un patrimoine ou de mener un train de vie sans rapport avec ses revenus légaux ;
Considérant qu’il a été démontré, qu’en l’espèce, entouré d’amis d’enfance et de condisciples dont certains ont reconnu être des prête-noms, Karim WADE, fils de l’ancien président de la République, ayant exercé les fonctions de conseiller spécial de celui-ci , de président de l’ANOCI et de ministre d’ETAT, a constitué des sociétés dans les secteurs les plus stratégiques, les plus névralgiques et les plus rentables de l’économie du Sénégal, pour à travers des sociétés offshores bénéficiaires économiques ou détentrices des actions des sociétés précitées, accroître illicitement son patrimoine et celui de ses complices ;
Considérant que les ressources tirées de ces sociétés, ont été, pour la plupart, versées dans des comptes à la banque Julius Baër de Monaco, où curieuse coïncidence, alors qu’il existe une multitude de banques à Monaco, Karim WADE, son ami IA et son condisciple et ami Mamadou POUYE ont tous ouvert des comptes bancaires personnels, pratiquement à la même période;
Considérant que Karim WADE a été renvoyé devant la Cour de céans pour s’être enrichi d’un montant de 10.891.436.671 FCFA contenus dans les comptes de la Julius Baër Bank ;
Qu’il échet, au vu des relevés de comptes versés au dossier, de retenir ledit montant ;
Qu’il ressort des rapports d’expertises versés au dossier et non sérieusement contestés que la valeur des différentes sociétés appartenant à Karim WADE s’établit ainsi qu’il suit : ARRET DE RENVOI
Qu’il résulte de tout ce qui précède, que les éléments de patrimoine non justifiés de Karim Meïssa WADE
Considérant que les prévenus qui contestent l’évaluation de la valeur des sociétés qui leur sont imputées n’ont proposé aucun montant ;
Considérant que Karim WADE étant en possession, au vu de tout ce qui précède d’un patrimoine d’un montant de xxxxxxxxxxxxxxx sans rapport avec ses revenus légaux qui s’élèvent à 504.000.000 FCFA, il y a lieu, de le déclarer atteint et convaincu du délit d’enrichissement illicite qui lui est reproché ;
Considérant qu’en ce qui concerne le délit de corruption qui lui est reproché, la Cour de céans ne dispose pas d’éléments d’appréciation suffisants pour le lui imputer ;
Qu’en effet, aucune preuve que KW a reçu de la société DUBAÏ CERAMIC, filiale de DP WORLD FZE, des sommes dont le montant cumulé s’élève à 7.905.300.000 francs CFA n’a été rapportée ;
Qu’il y a lieu, dans ces conditions, de dire et de juger que le délit de corruption qui lui est reproché en l’espèce n’a pu être établi ;
Considérant qu’en vertu des dispositions de l’article 163 bis du code pénal, le délit d’enrichissement est constitué lorsque, sur simple mise en demeure, le titulaire d’une fonction gouvernementale ou un agent civil de l’Etat se trouve dans l’impossibilité de justifier de l’origine licite des ressources qui lui permettent d’être en possession d’un patrimoine ou de mener un train de vie sans rapport avec ses revenus légaux ;
Considérant qu’il a été démontré, qu’en l’espèce, entouré d’amis d’enfance et de condisciples dont certains ont reconnu être des prête-noms, Karim WADE, ayant exercé les fonctions de conseiller spécial du Président de la République du Sénégal, de président de l’ANOCI et de ministre d’Etat, a constitué des sociétés dans les secteurs les plus stratégiques, les plus névralgiques et les plus rentables de l’économie du Sénégal pour, à travers des sociétés offshores bénéficiaires économiques ou détentrices des actions des sociétés précitées, accroître illicitement son patrimoine et celui de ses complices ;
Considérant que les ressources tirées de ces sociétés ayant permis à Karim WADE d’être en possession d’un patrimoine sans rapport avec ses revenus légaux, il y a lieu de le déclarer atteint et convaincu du délit d’enrichissement illicite qui lui est reproché ;
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, contradictoirement à l’encontre de Karim Meïssa WADE, Ibrahima ABOUKHALIL dit Bibo Bourgi, Mamadou POUYE dit Pape, Pierre Goudjo AGBOBA, Mbaye NDIAYE et Alioune Samba DIASSE, par défaut à l’endroit de Karim ABOUKHALIL, Mamadou AIDARA dit Vieux, Evelyne RIOUT DELATRE et Mballo THIAM, en matière correctionnelle, en premier et dernier ressort ;
En la forme
Reçoit les exceptions soulevées ;
Les rejette comme non fondées ;
Déclare la procédure régulière ;
Au fond
Sur l’action publique
Dit que le délit de corruption reproché à Karim Meïssa WADE n’est pas établi, le relaxe de ce chef ;
Déclare Karim Meïssa WADE atteint et convaincu du délit d’enrichissement illicite qui lui est reproché ;
Le condamne à une peine d’emprisonnement de 6 ans ferme et à une amende de cent trente huit milliards, deux cents trente neuf millions, quatre-vingt six mille, trois cents quatre-vingt seize francs (138.239.086.396) FCFA.
Déclare Ibrahima ABOUKHALIL dit Bibo Bourgi, Mamadou POUYE dit Pape, Alioune Samba DIASSE, Karim ABOUKHALIL, Mamadou AIDARA dit Vieux, Evelyne RIOUT DELATRE et Mballo THIAM atteints et convaincus des faits de complicité d’enrichissement illicite ;
Condamne Ibrahim ABOUKHALIL à 5 ans d’emprisonnement ferme et à une amende de cent trente huit milliards, deux cents trente neuf millions, quatre-vingt six mille, trois cents quatre-vingt seize francs (138.239.086.396) FCFA ;
Condamne Mamadou POUYE à 5 ans d’emprisonnement ferme et à une amende de 69.119.543.198 FCFA ;
Condamne Alioune Samba DIASSE à 5 ans d’emprisonnement ferme et à une amende de 69.119543.198 FCFA ;
Condamne Karim ABOUKHALIL, Evelyne RIOUT DELATRE, Mamadou AIDARA dit Vieux et Mballo THIAM à 10 ans d’emprisonnement ferme chacun et à138.239.086396 FCFA chacun ; confirme les mandats d’arrêt décernés contre eux ;
Ordonne la confiscation de tous les biens présents des condamnés, de quelque nature qu’ils soient, meubles ou immeubles, divis ou indivis, corporels ou incorporels, notamment les actions des sociétés dont ils sont bénéficiaires économiques ;
Valide les mesures conservatoires prises par la Commission d’Instruction de la CREI ;
Relaxe Pierre Goudjo AGBOBA et Mbaye NDIAYE ;
Sur les intérêts civils
Déclare recevable la constitution de partie civile de l’Etat du Sénégal ;
Lui alloue la somme de dix milliards (10.000.000.000) FCFA à titre de dommages et intérêts ;
Condamne solidairement Karim Meïssa WADE, Ibrahima ABOUKHALIL dit Bibo Bourgi, Mamadou POUYE dit Pape, Alioune Samba DIASSE, Karim ABOUKHALIL, Mamadou AÏDARA dit Vieux, Evelyne RIOUT DELATRE et Mballo THIAM à lui payer ladite somme ;
Fixe la contrainte par corps au maximum ;
Le tout en application des dispositions des lois 81-53 et 81-54 du 10 Juillet 1981 et des articles 30 et suivants, 45, 46 et 163 bis du Code Pénal, 451, 709 et suivants du Code de Procédure Pénale ;
Met les dépens à la charge des condamnés.
Ainsi fait, jugé et prononcé par la Cour de Répression de l’Enrichissement Illicite en son audience publique tenue le jour, mois et an que dessus.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT, LES ASSESSEURS ET LES GREFFIERS./
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