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A Touba, le métier de charretier nourrit bien son homme. Il suffit d’avoir un capital de 150 000 à 200 000 de FCfa pour disposer d’un âne et d’une charrette. A Touba les charrettes constituent une frange importante du transport en commun et aident une partie de la population à faibles revenus à effectuer leurs déplacements à travers la ville sainte. Aujourd’hui, les charretiers ont diversifié leurs activités. Ils sont dans le transport, le commerce de l’eau douce, entre autres.
C’est au petit trot pour les ânes ou au galop des chevaux que les charrettes sillonnent les différents axes de la ville de Touba. Avec dix clients, cinq de chaque coté de la charrette, ils font des parcours limités moyennant 25 à 50 de FCfa, selon les zones.
Le côté pittoresque du transport en commun à Touba est assuré par les charrettes à côté des véhicules de transport, des taxis clandos qui foisonnent et des récentes lignes de bus. En dépit de la présence de ces différents moyens de transports, la demande est toujours supérieure à l’offre. Le cultivateur Ibrahima Ndiaye, charretier en période de soudure, s’active sur l’axe corniche Ndiouga-marché Ocass. Selon lui, tous les axes de la ville sainte sont desservis par les charrettes. Ces charrettes s’acquittent d’une taxe annuelle de 10.000 francs Cfa pour desservir une ligne.
Par jour, le charretier peut gagner entre 5.000, 7.000, ou même 10.000 de FCfa. C’est avec cet argent qu’il assure ses besoins, ceux de sa famille et nourrit son cheval ou son âne. Un véritable marché juteux qui leur permet de joindre les deux bouts après les mauvaises récoltes.
La période faste du transport, nous dit Ibrahima, c’est la semaine du grand Magal de Touba, trois jours avant la célébration de l’événement. « Le tarif passe du simple au double et la demande est largement supérieure à l’offre. Il m’arrive de me retrouver avec 100.000 FCfa après le Magal », dit-il.
Le transport par charrette est une réalité dans beaucoup de secteurs à Touba. Le transport en commun, le ramassage des ordures, le commerce de bonbonnes de gaz, du sel et de la ferraille, entre autres, sont pris en charge par les charretiers. Malgré la forte présence des autres moyens de transport à Touba, les charrettiers se frottent les mains. Les charrettes constituent une véritable aubaine pour les petites bourses. Dans les gares routières, aux marchés et dans toutes les grandes ruelles, les gens font recours à elles.
Selon Ibrahima, il arrive qu’un cocher perde le contrôle de sa monture. C’est la panique générale car la charrette court le risque de heurter une autre charrette ou une voiture. « De pareils dérives sont moins fréquentes depuis que nous avons été initiés au code de la route », a-t-il dit. En plus, a-t-il ajouté, « nous avons banni la surcharge qui était souvent source d’accidents». Fatoumata Sall, une habitante de Madyana, âgée de 30 ans, déclare que c’est une bonne chose que de réglementer la circulation des charrettes dans la cité religieuse. « C’est à la suite d’une course effrénée entre deux charretiers que j’ai eu cette blessure à ma jambe. Les charretiers doivent éviter de jouer sur la route », affirme-t-elle. Khadim Sène, lui, abonde dans le même sens. A son avis, c’est souvent à des enfants parfois inconscients qui devraient aller aux daaras ou à l’école qu’on confie les charrettes. « Ils mettent souvent en danger l’intégralité physique des passagers. Il est bon de les organiser. Je pense que les charrettes permettent de régler le problème de transport à Touba car les véhicules de transport sont insuffisants », admet-il.
A Touba, la charrette est un élément du décor pittoresque de la ville, au-delà de cet aspect, elle constitue un facteur de développement en ce qu’elle lutte contre le chômage et constitue une source de revenu non négligeable pour des familles démunies et des jeunes désœuvrés. Agé de 40 ans, Daouda, habitant Santhianes de Touba, est marié à deux épouses et père de cinq enfants. « Je suis propriétaire de quatre charrettes. Je conduis l’un. Le deuxième fait de la vente d’eau douce, le troisième assure le transport de marchandises et le dernier s’active dans le transport d’ordures », nous révèle-t-il. Daouda gère donc son entreprise forte de quatre employés.
Nécessité de réglementer le secteur
Les charrettes sont plus nombreuses que les voitures. Elles sont souvent source de nombreux accidents de circulation et embouteillages. Les autorités, quant à elles, sont déterminées à réorganiser et réglementer le transport des charrettes. Le service régional du transport est à pied d’œuvre pour atteindre cet objectif, selon un membre du conseil rural. Une étude estimative du service régional des transports a chiffré le nombre de charrettes en circulation à Touba à environ plus de 100 000 unités. « Les charrettes font une concurrence déloyale aux véhicules. Ils créent des embouteillages monstres », s’indigne-t-il. Du fait des dangers multiples auxquels les charrettes sont exposées et du manque d’expérience des conducteurs, des dispositions ont été prises par le service des transports. L’âge du conducteur a été ramené à plus de 15 ans.
En plus, il lui faut un permis de conduire pour disposer de notions élémentaires du code de la route. Pour la défense de leurs intérêts, les charretiers se sont regroupés en une association qui milite pour la réorganisation du secteur, de concert avec les autorités du service régional des transports et la communauté rurale.
Querelles entre taximen et charretiers
Pour des raisons de sécurité, la densité de la circulation, avec des embouteillages, certains sont d’avis qu’on devrait interdire aux charrettes d’emprunter les grandes artères, car souvent, celles-ci sont des lieux de heurts entre chauffeurs et charretiers. Les uns et les autres se regardent en chiens de faïence et s’accusent mutuellement d’intolérance. Les uns qualifient les autres de « ruraux » ne maîtrisant pas certaines règles qui régissent le transport en commun. Cheikh Diop, chauffeur de taxi, soutient : « Nous travaillons, mais le déplacement est très difficile et les charretiers sont très nombreux, je suis d’accord qu’on leur interdise la chaussée parce qu’ils ignorent le code de la route.
Le charretier Samba Sy ne partage pas cet avis. «Les chauffeurs refusent généralement de nous céder le passage. Ils sont jaloux de notre présence sur les routes, ils ne nous facilitent pas la tâche ; ils laissent la route goudronnée pour nous bousculer sur les pistes. Le désordre sur nos routes est dû à leur intolérance », fustige-t-il. Touba est une mégalopole avec un statut de communauté rurale ; la modernité y côtoie le traditionnel et le contraste est flagrant dans tous les secteurs. Les charrettes ont encore de beaux jours dans la capitale du mouridisme. La régularisation entreprise par les autorités de la ville et du service des transports constitue une étape importante pour l’assainissement de ce secteur vital de l’économie locale.
Mamadou DIEYE