A coups de dizaines de millions de francs lourds, ils ont sillonné le continent les poches pleines d’argent parce qu’ils avaient, selon certains, une science qui n’étaient pas à la portée de leurs homologues d’Afrique. On les appelle, sélectionneurs, entraineurs des fois, pour faire plus ambitieux ; finalement, un technicien blanc qui débarque en Afrique est forcément pour celui qui l’engage, un homme qui sait tout faire, un sorcier, un expert quelque part avec une seule ambition, celle de vous ramener dans des délais très courts, la Can à la maison. Si le dernier de ces spécimens s’appelle Hervé Renard, parfait inconnu avant 2012, ses devanciers étaient des hommes connus du monde du football qui ne revendiquaient qu’une chose, leur connaissance de la science du football.
L’exemple du Zaïre (aujourd’hui Rd Congo), est une parfaite illustration de cette histoire récente de sélectionneurs arrivés sur le continent avec comme mission, de calmer le climat
politique national s’il pouvait ramener une belle Coupe au pays. Joseph Mobutu, homme
politique contestable et d’ailleurs très contesté à l’époque, (depuis l’assassinat de Patrice Lumumba et le coup d’Etat qui l’amène au pouvoir en 1967), veut une seconde Can, après celle gagnée en 1968, dans sa vie. Le pays qui nourrit de belles ambitions pour le leadership sous-régional au niveau des pays de l’Equateur et du continent, cherche aussi à faire oublier la petite misère du petit peuple.
Et, en 1974, c’est en homme de terrain que le Yougoslave Blagoje Vidinic, qui vient du Maroc, gagne la Coupe d’Afrique des Nations avec le Zaïre de Kidumu et Kibongué et amène cette même équipe à la Coupe du monde allemande. Il devient tout de suite, un « Dieu , mais, avant ces prouesses pourtant, quel Congolais, connaissait l’homme et sa belle carrière en Europe et aux Etats Unis ? Même sa belle parenthèse marocaine à la Coupe du monde 1970, ne parle pas encore pour lui et bien peu d’Africains connaissaient cet ancien gardien de but sur le continent. Dans les clubs où il a joué chez lui d’abord en Yougoslavie, (FK Vardar Skopje, FK Radnički Jugopetrol Belgrade et OFK Belgrade, jusqu’au FC Sion en Suisse), l’homme ne payait de mine dans le milieu du football. Et pourtant, c’était un grand professionnel.
La liste est longue de ces noms inconnus qui sillonnent encore le continent pour devenir un jour, héros d’un pays. Patrice Carteron actuel entraineur du Tout Puissant Mazembé, Club phare de Lubumbashi et du Gouverneur de province, Moise Katumbi, venu du Mali où il a dirigé la sélection en 2013, est un exemple de ces gens. Il a même failli venir aux commandes de la sélection congolaise pour cette dernière Can. Un continent qui consacre souvent d’illustres inconnus, c’est aussi cela cette Afrique du football où les noms de Claude Leroy et encore de Pierre Lechantre, sonnent mieux encore ici, qu’en France ou en Europe où tout ce monde est né.
Des théoriciens pour un football qui n’a cessé de grandir, l’Afrique en manque. Il faut encore aller chercher l’expert en occident. Car ici, faute de grandeur et d’organisation, on ne sait ni vendre les hommes et femmes de valeurs, encore moins mettre en exergue ce qu’ils ont fait d’utile et de beau. Une terre de paradoxes, le sport aussi en donne un très mauvais exemple qu’on soit à Brazzaville, à Casablanca ou à Dakar. Dans les librairies comme les grandes bibliothèques, peu d’ouvrages, très peu de recherches ont été faites sur la piètre qualité de nos infrastructures sportives. Après plus de cinquante années d’indépendances, le Sénégal ne compte encore que deux grands stades qui se situent tous dans Dakar. Au décompte, une seule Can organisée dans le pays depuis, lors en 1992. Côté joueurs et praticiens, la pauvreté de la littérature sur les bonnes périodes et les bons exemples, est criarde. On connaît d’ailleurs, très peu de choses sur l’histoire du foot dans le pays. Dans tout le continent, c’est la même désolation. Là aussi, à Dakar, comme Abidjan, Lomé, on n’en parle même plus.
Très peu d’informations circulent sur des générations de joueurs réputés comme Laurent Pokou, Salif Keita, Pierre Kalala, François Mpelé, Mustapha Dahleb, Edouard Gnacadia, avant eux encore, Rachid Mekloufi. Dans ce continent, célébrer un sportif ne se fait qu’au gré du résultat quel que soit le mérite de l’homme ou de la femme. Dans le Basket, le Sénégal qui a sans doute tout gagné, parle-t-on encore de la capitaine des Lionnes Kankou Coulibaly et de ses devancières. Peu d’écoles de basket en font allusion. Cela n’intéresse guère la nouvelle génération de médias, plus encline à ne chercher que le sensationnel derrière un fait divers que de relater l’histoire récente ou passée du pays.
Finalement, ne semblent beaux que ces « sorciers » blancs du banc de touche, qui ont gagné quelque chose sur le continent. Et quand ils ne gagnent pas malgré leur mérite et la qualité de leur travail, les premiers à les clouer au pilori, restent les supporters, les dirigeants et les médias qui les ont, à un moment presque porté, plus haut qu’il ne fallait. Entraineurs blancs ou « sorciers ». Tous finalement n’ont été que des hommes dotés d’un savoir. Avec certains qui ont eu énormément de mérite là où d’autres n’ont été que des mercenaires. Quand Vahid Halilodjic, a pris l’équipe de la Cote d’Ivoire, c’était un entraineur très coté sur le plan international ; il en repartira sans rien gagner. La parenthèse Sabri Lamouchi fermée, c’est Hervé Renard qui arrive, après la déception de la Coupe du Monde ; et comme par miracle, en l’espace de 10 mois, le voila qui gagne la Coupe d’Afrique. Dire qu’il faut aussi de la chance…
Le sport en définitive n’a rien de mystique, comme l’ont démontré les Zaïrois avec leur sélection de féticheurs à la Coupe du monde 1974. Il faut surtout du temps, une organisation bien huilée et un travail sur le moyen et le long terme. Pour rendre justice aussi à ces hommes du continent qui ont fait la fierté du football d’Afrique à qui on n’a jamais laissé ce temps, la vérité est que des gens pleins de talents comme feu Mawade Wade n’avaient rien à envier à quelque sélectionneur blanc venu d’Europe par sa connaissance du football. Mais Mawade, comme ses devanciers et ses successeurs n’ont jamais été récompensés à la dimension de leurs aptitudes.
Adulé à l’extérieur, à l’écart chez lui, Mawade a été seulement honoré d’avoir coaché la dernière sélection africaine de stars dans un match de charité à Marseille avant sa mort. Que dire du talentueux Mahmoud Al Gohari qui a conduit l’Egypte à la Coupe du monde italienne de 1990 avec ses joueurs talentueux comme Hany Ramzi, Rabbie Yassin, Hossam Hassan, Ahmed El Kass, Taher Abouzaid etc. L’Afrique des coachs, c’est aussi le nigérian Stephen Keshi, dont la prestation de l’équipe à la dernière Coupe du monde a montré qu’il est possible de faire des choses quand on a les moyens. On peut en citer d’autres encore…
TROUSSIER, KASPERZAK, METSU NUL N’EST PROPHETE…
Nul n’est prophète chez soi, entend-t-on souvent. Les trois exemples cités plus haut sont là pour le conforter. A commencer par le cas de l’énigmatique Phillipe Troussier qui n’a jamais eu la chance de diriger une équipe de ligue 1 en France, malgré ses talents prouvés hors de chez lui, au Burkina Faso et à la tête de la sélection nipponne. Au Burkina Faso, on l’appelait d’ailleurs, le « sorcier blanc », parce que c’est avec lui que l’équipe atteint le cap des demi-finales pour sa Can en 1998. Phillipe Troussier, se fera un nom, grâce à ce pays qui l’a adoré, avec la génération des Firmin Sanou et le majestueux ailier Seydou Traoré.
Autre cas, autre pays, le Sénégal pays d’adoption de Bruno Metsu. Parti trop tôt à la suite d’une maladie. Metsu a laissé un bilan encore difficile à battre à la tête des Lions du foot. On a encore d’yeux que pour l’homme à la chevelure de Yéyé des années 1970. Finaliste avec les Lions à la Can 2002, quart de finaliste de la Coupe monde, la même année, c’est un héros ici. Mais qu’aura-t-il laissé comme legs aux générations d’après ? Pour certains observateurs, un beau bilan, pour d’autres plus connaisseurs, une succession d’échecs et de déceptions, du fait des improvisations qui se sont enchainées au sommet du football comme au niveau des étages et catégories plus bas. Après son départ en 2002, aucun entraineur, en dehors de Guy Stéphan à Tunis en 2004 et Abdoulaye Sarr en Egypte en 2006, n’a passé le cap du premier tour dans une phase finale de Can. Maigre bilan pour des centaines de millions de francs investis jusqu’au dernier échec d’Alain Giresse en Guinée Equatoriale.
Les deux exemples ne sont pas seuls d’ailleurs quand on pense à Kasperczak, autre coach venu de France, et qui a qualifié la jeune équipe malienne des Seydou Keita, Mahamadou Diarra, aux demi-finales de la Can de la Jatiguiya en 2002. Il ne restera pas au Mali après la Can. Le voilà parti chercher fortune ailleurs. Après un passage en Tunisie, en Côte d’Ivoire et au Sénégal, le voilà qui est revenu au Mali pour cette dernière Can, avec la promesse, cette fois, de conserver son poste malgré l’élimination de son équipe au tirage au sort et de faire bénéficier de son expérience à ce pays qui veut reconstruire son football. La Mali ayant déjà digéré les retombées de sa Can, ne sait plus quoi faire de ses infrastructures.
Les entraineurs venus d’ailleurs, l’Afrique et ses équipes de football les ont tant aimé jusqu’à sacrifié ses propres techniciens dans les grands pays de ce sport de toutes les folies, dans les deux Congo, en Ethiopie, en Algérie, en Tunisie, en Côte d’Ivoire, au Cameroun, au Sénégal pour ne citer que ces exemples. Où se trouve aujourd’hui l’originalité du football du continent ? Même avec le Chan (Championnat d’Afrique des Nations), on a du mal à voir des équipes africaines jouer comme des Africains. Une autre forme de mondialisation qui le dessert, est passée dans le continent.
De l’est du Vieux continent à l’ouest, l’Europe a fini par influencer terriblement le footballeur d’Afrique. Hier, c’était encore des hommes venus de ce bloc géographique, pendant que les pays d’Afrique n’avaient pas encore les moyens de sortir des caisses de l’Etat et des ministères, les sommes faramineuses qu’on paie aujourd’hui à leurs successeurs. Pour la protohistoire de ce football naissant, on a retenu d’abord certains noms comme celui de Laszlo Budaï en Guinée ; Blagoje Vidinic au Zaïre, Kalocsaï au Sénégal. Bien avant eux d’ailleurs, dans les années 50-60, la légion étrangère avait déjà fini de fouler les vilaines pelouses d’Afrique dès leur émancipation à travers la volonté des petites nations naissantes, de faire gagner une coupe à leurs chères équipes nationales.
DES EXPLORATEURS D’UN AUTRE TEMPS
Pouvait-on d’ailleurs parler d’équipes nationales quand les villes qui disposaient de véritables stades de foot, n’étaient pas nombreux. Au Sénégal, le premier véritable stade sera le Stade de l’Amitié, rebaptisé Demba Diop pour rendre hommage à un ami du président Senghor, député de Mbour, mort assassiné en 1967. Avant, le Parc municipal des sports, comme son nom l’indique était bien seul pour accueillir toutes les compétitions sportives.
Dans ce grand vide, que pouvait venir faire, un entraineur européen ? Des terrains boueux pendant l’hivernage, sans pelouses, ensablés et sales, des équipes en manque de tout, voilà pour le décor. Dans la quête des performances, aucune ville n’avait vraiment d’aires de jeu qui pouvaient charmer un homme blanc. En dehors de Raoul Diagne qui a joué la coupe du monde 1938 avec la France, ils étaient rares les coachs venus d’ailleurs à se hasarder ici. Ce sont les écoles yougoslaves et hongroises avant la fameuse recette à la française, qui vont investir l’Afrique. A partir de 1957, avec la création de la Coupe d’Afrique des nations, la marche du football amorcée. La Can devient quelque chose de très recherchée chez les peuples évolués du continent. Tous veulent y aller, mais avec un entraineur blanc, s’il vous plaît.
Les écoles de l’Est vont se faire remarquer au cours des années 1960-1970. La Yougoslavie, la Hongrie, la Tchécoslovaquie, et puis l’Allemagne et la France impriment leurs marques au sein des équipes nationales. D’autres ressortissants des pays de l’ancien bloc communiste s’illustrent à la tête de certaines sélections, notamment le Tchèque Jiri Starosa et le Roumain Gheorge Mardarescu, entraîneurs du Soudan et du Maroc, lauréats de la Coupe d’Afrique des nations, en 1970 et 1976. C’est aussi sous les ordres d’un Yougoslave, Rade Ognanovic, que les “Lions indomptables“ du Cameroun remportèrent leur premier trophée de la Coupe d’Afrique des nations, en 1984 à Abidjan.
Un autre Yougoslave, Branco Zutic, a conduit le Cameroun à la qualification pour la Coupe du monde 1982, avant de passer la main au Français Jean Vincent. L’école hongroise a aussi construit de grands clubs en Afrique. Il faut aussi relever le cas du Soviétique Valeri Nepomniachi qui avait besoin d’un interprète pour parler avec les joueurs du Cameroun et qui a réussi le tour de force de qualifier l’équipe aux phases finales de la Coupe du monde en 1990, en Italie.
A SUIVRE
Source :http://www.sudonline.sn/l-afrique-du-foot-adore-les-sorciers-blancs_a_23396.html